ANATHEMA change de genre musical. Encore. Après son Doom-Death pionnier, après son Gothique mythique avec cette triplette extraordinaire ("Eternity", "Alternative 4" et "Judgement"), le groupe poursuit son évolution et vient trouver son inspiration dans un Rock plus classique, aromatisé à la mélancolie habituelle nous rappelant que c'est bien ANATHEMA sur la platine et pas un groupe anglais quelconque.
Parce que oui, "A Fine Day To Exit" souffre de quelconquitude. Est-ce grave ? Non monsieur. Car en fin de compte, en voyant les radios, ANATHEMA ne s'est jamais si bien porté.
La pochette est un premier indicateur : cette ligne de vêtements jetés sur la plage et continuant droit vers la mer, comment ne pas penser immédiatement à l'action finale de ce "personnage" que l'on s'imagine pénétrant les vagues vengeresses de cette mer qui l'a pris et ne le rendra jamais. ANATHEMA est toujours dans le thème de la tristesse, de la mélancolie. Il le fait maintenant différemment.
Bon, certains titres manquent vraiment d'impact : "Looking Inside Outside" est un peu ratée et provoque une coupure en plein milieu de l'album désagréable, qui nous sort un peu de notre écoute attentive. "Barriers" est passable, mais manque cruellement de punch, et malgré sa tentative de rentrer dans notre esprit avec ces lignes de chant comme une litanie, une invitation à se laisser porter, le titre n'est pas aussi efficace qu'il aurait pu être. Quelques passages ici ou là sont un peu lourdauds et auraient mérités un peu plus de légèreté.
Pourtant, si on écoute bien ici et là, on entend "We're Here Because We're Here" avec "Looking Inside Outside" et son travail à la guitare. Si on tend l'oreille, on entend "A Natural Disaster", "Leave No Trace" et son rythme lancinant. Parfois même, c'est "Weather Systems" qui se rappelle à nous. Les bonnes idées fusent, les mélodies ressortent, les émotions sont libérées, ANATHEMA est vivant, et le montre avec toute sa force, sa fougue et son expérience.
C'est à partir de l'album "A Fine Day To Exit" que le groupe commence ses expérimentations électroniques, incorporant des éléments musicaux discrets mais tout autant qui donnent une véritable identité à ANATHEMA et refondent la base du groupe pour les prochains albums du groupe (culminant avec "Distant Satellites" et l'omniprésence des "éléments de décor" électroniques, ornements de classe à un album riche et prenant).
Les trois dernières chansons montrent d'ailleurs la belle palette musicale que le groupe propose sur cet album. "Panic", l'accélération de l'album, est un petit bijou, montrant qu'ANATHEMA sait accélérer, et que quand il le fait, avec quelle maîtrise! Il se lâche sur ce titre court de 3 minutes 30, et ça fait du bien, juste avant d'amorcer le point culminant de ce "A Fine Day to Exit" : "A Fine Day to Exit".
La chanson éponyme est en deux parties, la première calme mais avec cette pointe d'inquiétude, comme si les nuages noirs envahissaient peu à peu le ciel de cette plage, avec cette guitare lancinante annonçant une deuxième partie comme un orage s'abattant sur nous alors qu'on essaie de rejoindre désespérément un abri. La guitare est plus incisive, la batterie se met en marche, et c'est tout le morceau qui est changé en un titre résolument agité et torturé.
Enfin, terminer avec ce "Temporary Peace" nous ramenant doucement sur Terre, avant de décider de partir sur un dernier moment de grâce, une note d'optimisme dans cet océan bouillonnant de tristesse et d'inquiétude.
Au final, "A Fine Day to Exit", à l'apparence si quelconque, est infiniment trompeur, car rien n'est fulgurant, rien n'est extraordinaire, mais dès lors qu'on lui laisse le temps de s'affirmer, nous montre qu'ANATHEMA n'a rien perdu de son talent de "Eternity" et de "Judgment", bien au contraire. S'affirmant dans un tout autre style, affichant la sérénité et la maîtrise d'un groupe d'expérience, et en se permettant même d'expérimenter dès le premier essai, le groupe réussit ce tour de force de s'imposer dans ce Rock Atmosphérique qui deviendra dès lors son jardin. Cet album nous berce au rythme de la mer, qui nous emporte, loin, loin, si loin des côtes...