Entrer au plus profond du sensible d'une œuvre d'art, parcourir l'étendue la plus importante possible de son champ émotionnel. Il s'agit parfois d'une évidence, souvent d'un travail. Le fruit d'une expérience, d'une volonté culturelle, d'un effort intellectuel, un pas que beaucoup refusent de franchir. A tort, toujours à tort. C'est ainsi que les années passent et que beaucoup manquent la plupart des wagons qui auraient enrichi leur existence. Et beaucoup ont entendu passer le wagon MAUDLIN OF THE WELL en refusant même de le regarder. « Laissons l'Avant-Garde se faire tirer dessus, restons collés au peloton de la troupe ». La troupe joue toujours "The Trooper"…

Et contre toute attente, le wagon repasse aujourd'hui. Toby Driver, grand manitou du cirque post bidule de Boston, fort au courant des critiques acerbes qui visent depuis sa création son autre bébé, l'incompris KAYO DOT, a décidé de redonner vie à sa première progéniture. En lui faisant respirer un oxygène conçu avant la naissance de KAYO DOT. Soulagement des fans qui pouvaient craindre un vilain repissage. Angoisse qui accompagne le retour des héros. Le temps les a-t-il abîmé ?

Que nenni, les what mille acteurs du projet MAUDLIN OF THE WELL semblent s'être assagis d'eux-mêmes et avoir remisé au placard leurs intentions hardcore, accélérations extrémistes et autres aboiements urbains. Et la belle entité progressive ne fait plus le grand écart entre des maxima de douceur et de fureur. Alors déjà, les premières critiques peuvent tomber, allégrement et avec une certaine légitimité. "Part The Second" n'est pas "Bath / Leaving Your Body Map", il affirme une grande maturité en laissant de côté une partie de la fougue qui l'a amené à côtoyer les sommets artistiques qu'on lui connaît. Un rendu pour un donné, un bien pour un mal ou exactement le contraire.

Peut-on d'ailleurs encore parler de MAUDLIN OF THE WELL ? Je n'en suis pas tout à fait sûr. Et si "Part The Second" ne partage heureusement que peu de caractéristiques communes avec KAYO DOT, on ne peut pas dire qu'il se rapproche tellement plus des premiers efforts studios de Toby Driver. En fait, le disque baigne dans le rêve, réinvente les moments calmes du diptyque de 2001 en les enrichissant à foison. Jazz dreamy éthéré et tutti quanti… et semble oublier les excès du passé.

Mais finalement pas tant que ça. Car ce disque mérite une écoute plurielle. Rien de metal ne se dégage de l'opus, c'est l'évidence. La saturation des guitares ne mène que très rarement la danse et quand elle ose gouverner le navire, elle conserve un tempérament propice à l'évasion sans jamais lécher l'asphalte ou la terre la plus grasse comme pourrait le faire un combo lambda de Metal Extrême. "Part The Second" reste toujours en l'air, aidé en cela par la multitude des instruments utilisés. Ça bœufe et ça tournoie dans plusieurs directions mais toujours en altitude, comme la longue parade d'un orchestre riche en hélium. Cependant, des scories de malaise nous plombent encore l'estomac, de minuscules picotements qui ne dirigent plus rien, juste présents pour épicer un plat que beaucoup pourraient trouver un soupçon fade lors du premier service.

Ce n'est pas le premier, ce ne sera pas non plus le dernier, "Part the Second" n'est pas un disque à la notation facile. Références perdues, atmosphère lointaine, on l'analyse sans le comprendre entièrement et on hésite à donner un avis tranché. Car indiscutablement, la galette ne se laissera pas dévorer comme ses aînées pourtant déjà farouches.

Alors pas encore tout à fait convaincu, ni de son excellence ni de son indigne paresse, je classe "Part Of The Second" en milieu de rang, un bel accessit collé au cul… tout de même.

Libre à chacun de tenter l'expérience, facilitée par la gratuité d'un disque disponible sous les formats les plus nobles (et pas uniquement en MP3 compressés comme du salami mort) à cette adresse :
http://www.maudlinofthewell.net/downloads.html