Avec "Sudden Death Syndrom" des Jordaniens de BILOCATE, "Hilal" est ce que j'ai entendu de plus réaliste dans le type « musique orientale » depuis quelques années. Les Bédouins et les immeubles de terre cuite ne sont pas loin… Or, le quintette ne provient pas du Moyen-Orient, mais bien de France, de Paris pour être exact. Ce qui rend l'expérience encore plus intéressante…

Une heure de dépaysement total et définitif vous attend, comme c'est souvent le cas avec ces groupes imprégnés de saveurs de contrées « jeunes » en frais de Metal. Juste cette année, j'en ai découvert près d'une dizaine, tous plus uniques les uns que les autres, alors mes billets d'avion ne me coûtent pas cher… Je voyage assis confortablement dans mes oreilles et je plane. Les Français d'ARKAN ne dérogent pas à la règle, que ces formations ont tout à gagner et rien à perdre ; ils enterrent et en rajoutent pour que le client soit satisfait.

Le plus beau dans l'histoire est qu'"Hilal" est leur premier album (après un EP fort remarqué) et, « comble de malheur », ils ont pu bénéficier du savoir-faire de Fredrik Nordström et Jacob Hansen (ils ont enregistré à son studio), plutôt connus maintenant sur la scène Extrême. Avec une telle monture et un réel talent pour jongler avec le gros Death lourdingue et les ambiances arabisées cimentées par des guitares chaudes, mandola, bouzouki, oûd, cajon, etc., ARKAN donne envie de se faufiler dans ces ruelles mal famées où mendiants et commerçants douteux se tiennent jour après jour, rêvant qu'un généreux passant apaise leurs souffrances ou leur soif d'arnaque.

Les Français ont été nourris au Thrash et au Heavy depuis toujours, voire au Prog, et ces influences se retrouvent un peu partout sur le skeud. De plus, la réunion de leur blackground - Mus Elkamal et Samir Ramila jouaient dans le groupe Death algérien WORTH, Foued dans le gothique OLD DEAD TREE et Abder dans DAWN OF DECLINE – a engendré la majorité des richesses de leur rondelle dorée. Je parle bien sûr des longues et musclées compos, où le Death couleur sable envahit chacune des cellules, et, en contrepartie, ces courtes pièces tranquilles typiquement orientales sur lesquelles les instruments énumérés plus haut sortent du placard.

ARKAN ne pouvait guère construire "Hilal" d'une autre manière, on s'entend… Bien oxygéné, dosé, violent et mélodique, alternant voix grave et claire, guitare et basse huileuses et cordes sèches, les Français ont vu juste côté son. Ils ont même laissé quelques tours de piste à la chanteuse Sarah Layssac, dont la complainte langoureuse à la fin de "Chaos Cypher " nous fiche un coup de soleil !

Si ARKAN tue sa mère avec une musique pesante et mélodique à souhait, son premier disque est trop long. Si on écoute d'une oreille distraite et qu'on accroche à la recette dès le départ, pas de problème. Or, les amateurs de concision se fracasseront la tête contre les murs, car à plus d'une heure, "Hilal" a une bonne dizaine de minutes en trop. Des riffs de malade comme et des structures alambiquées de la sorte ne sont plus aussi déstabilisants lorsqu'ils sont étirés jusqu'à ce que l'élastique pète. De plus, ARKAN devra apprendre à ne pas oublier sa peinture en aérosol pour teinter ses bastonnades de fou quand il s'adonne au Death pur et simple. Car on a l'impression qu'il se concentre parfois trop sur la défonce brutale que sur la drogue douce et perd le nord-sud. Allez, c'est si peu de reproches qu'il saura pallier à tout ça avant la prochaine pleine Lune. Il n'a qu'à prendre exemple sur "Groans Of The Abyss", un de ses titres les mieux balancés.

Selon le site officiel du groupe, les Français s'attèlent déjà à la composition d'un deuxième album après être revenus de tournée avec SEPTIC FLESH et INACTIVE MESSIAH. Ça sent l'opus en 2010… Souhaitons une livraison aussi dense, mais plus intense et concise. Et ce seront de véritables vacances sous l'astre jaune plombant auxquelles nous aurons droit.

Note réelle : 3,5