"Cursed" est donc le premier album de MORGOTH. Un premier effort qui intervient après deux mini-LP qui s’étaient fait remarquer lors de leur sortie. Il est donc normal de s’attendre à un essai qui reprenne là où "The Eternal Fall" s’était arrêté pour proposer des choses nouvelles. C’est grosso modo ce que font les Allemands. Enfin, plutôt grosso que modo, ou l’inverse, cela dépend du point de vue où l’on se place.

Avant de continuer, il est utile de préciser que "Cursed" est un bon album. Un album de Death très inspiré par DEATH justement, honnête dans son interprétation, comme dans le fond. MORGOTH fait du MORGOTH, avec un savoir-faire certain, somme tout allemand dans l’exécution (carré carré quoi !). Seulement, "Cursed", et c’est là que c’est préjudiciable pour lui, donne l’impression que ses concepteurs font un peu du surplace. Que plutôt que de dynamiser, d’améliorer leur formule très primaire, ils se complaisent dedans par mesure de sécurité.

Parce que si l’on excepte l’intro et la dernière piste, nous sommes en terrain parfaitement balisé. On voit même les petits drapeaux qui signalent la progression à suivre. Pour vous dire. On est confronté à un Death Metal de bon aloi, toujours produit par Dirk Draeger, l’un des artisans du son MORGOTH, l’ensemble est mixé par Randy Burns, ce qui va conférer à l’ensemble un aspect plus américain, plus en adéquation avec un marché qui devenait alors très florissant. Les relents de putréfaction de la carcasse DEATH émanent de ce disque, avec un petit côté OBITUARY par moments, pour un peu de puissance supplémentaire ("Sold Baptism"). Bref, sept morceaux qui font l’effet d’un bulldozer lâché sur un parterre de chatons.

Mais il y a cette fameuse introduction, et ce morceau de clôture qui changent la donne. La première est un court instrumental où le clavier vient dégager une ambiance de film d’horreur accrocheuse, prête à vous filer des frissons. D’ailleurs le riff qui suit, celui de "Body Count", fonctionne bien, mais il y a comme un acte manqué, une possibilité qui n’a pas été envisagée, excepté dans le dernier morceau de cet album où le chant n’est pas hurlé, mais déclamé avec une certaine noirceur malsaine. MORGOTH semble s’être volontairement fermé des portes qui se présentaient pourtant, pour au final sortir un album convenu, à défaut de facile.

Les riffs sont agressifs à souhait, le chant vous arrache les tympans (oui, avec la langue), les soli sont nombreux et fusent bien comme il faut, mais il y a ce sentiment que le groupe joue en-deçà de ses capacités, peut-être de peur d’être trop débridé, délirant, ou avant-gardiste dans un genre très fermé, mais qui pourtant s’adapte très bien aux innovations comme le prouvait PESTILENCE à peu près à la même époque. "Cursed" permet toutefois à MORGOTH de se placer sur de bons rails. L’album suivant, "Odium", va montrer de quel bois se chauffent les Allemands.