Il y a des disques comme ça, qui sont hors normes. Un peu inclassables, même si les musiciens qui jouent dessus les conduisent directement vers une direction précise, même s’ils sonnent un peu différemment. Et quand il s’agit d’un super groupe, comme on aime appeler cette formation dont les musiciens viennent de combos différents. Pour MAD SEASON, nous sommes entièrement dans ce cas de figure. Venu de Seattle alors que la scène Grunge mourait, après le décès de Kurt Cobain, MAD SEASON était composé de Layne Staley au chant (ALICE IN CHAINS), Mike McCready de PEARL JAM à la guitare, John Baker Saunders (The LAMONT CRANSTON BAND) à la basse ainsi que Barrett Martin des SCREAMING TREES à la batterie. Et comme on cause des 'TREES, Mark Lanegan vient pousser la chansonnette sur quelques titres.

Mais MAD SEASON ne joue pas vraiment dans le style des groupes cités. Sa musique possède un je-ne-sais-quoi de plus personnel, de plus intime. De plus fragile également. Ici, il faut oublier le côté Metal que l’on peut trouver chez certaines formations de Seattle, voire même les élans les plus Hard Rock. MAD SEASON est plus Bluesy. J’aurai presque envie de dire plus travaillé, plus profond. Quelque chose qui vous prend directement à la gorge malgré tout, une détresse presque palpable. Il y a une langueur tout du long, ponctuée par des fulgurances électriques des plus appréciables. Puis il y a la voix de Staley et là, là…

MAD SEASON n’est pas à écouter quand on va mal. Ce n’est pas ce qu’il nous faut pour remonter le moral, bien au contraire. Le spleen que lâche la formation prend directement à la gorge. Staley s’exprime avec une certaine douceur, il ne pousse pas la voix, il reste sobre, quasiment hypnotique. "Wake Up" est la première merveille de ce disque, elle ne sera pas la seule. Les titres se succèdent, profonds, souvent longs, jamais ennuyants. "X-Ray Mind", "River Of Deceit", "I’m Above", "All Alone"… autant de morceaux qui nous remuent les tripes, mine de rien. Avec beaucoup de sensibilité, beaucoup de subtilité, une belle dose de sensualité.

Et finalement, on ne ressort pas indemne d’une telle écoute. Pas quand on sait ce qui est arrivé après. Les décès. Ces morts qui auraient pu être évitées sans le mal-être et les drogues. Qui ont fait de cet album un one-shot terrible, prenant et traumatisant. On se souvient de cet album, longtemps après l’avoir écouté et si on hésite à le remettre sur la platine, c’est avant tout pour se protéger, nous, pauvres auditeurs qui allons nous prendre une leçon de mélancolie dans nos dents. Il aura fallu que le Grunge meurt pour qu’il nous offre son album le plus viscéral. Le plus marquant. Même UFO a repris "River Of Deceit" sur son dernier album de covers...