Silent Rage fait partie de ces seconds couteaux, voire troisième couteaux qui ont animé la scène hard/heavy américaine durant la seconde moitié des 80's. Bien qu'ayant eu à son actif un énorme hymne tubesque à l'époque("Rebel with a cause"), ce combo n'a jamais réusi à atteindre la consécration. Après avoir disparu de la circulation durant les 90's dans l'indifférence quasi-générale, Silent Rage s'était reformé au début des années 2000, de manière discrète, et avait sorti un album studio qui avait surtout interessé les aficionados du Hard US.

Voilà que 7 années plus tard, le quartette américain remet le couvert et sort "Four letter word", son quatrième album. C'est chez le label italien Frontiers Records, label décidément specialisé dans l'art de récuperer les vieilles gloires et les seconds couteaux du hard mélodique, du Hard US, que Silent Rage a trouvé refuge.

Qu'a donc d'intéressant à proposer en 2008 le groupe mené par le chanteur Jesse Damon ? Tout d'abord, il convient de préciser que c'est Gilby Clarke qui a produit le disque (décidément, l'ex-guitariste remplaçant de Izzy Stradlin au sein de Guns N' Roses voit son C.V de producteur prendre de plus en plus de volume !). En conséquence, ce nouvel album de Silent Rage a un son plus crunchy, plus rude, un poil plus heavy qu'à l'accoutumée. Cependant, n'allez pas croire que le quartette mené par Jesse Damon a viré sa cutie pour flirter avec le néo-metal ou autre chose... Non, dans le fond, ce qu'on entend sur "Four letter word" reste du Hard US teinté big-rock. Le groupe a juste un peu durci le ton, en accentuant son côté plus foncièrement hard tout en rendant plus discrètes, voire rares les consonances plus FM.

D'ailleurs, le début de l'album est franchement incroyable: Silent Rage assène quelques salves meurtrières avec "You could be the one", un morceau big-rock enjoué, endiablé bien mis en avant par une rythmique hargneuse, ainsi qu'un refrain très catchy. S'ensuivent "Four letter word", un mid-tempo qui a vraiment tout pour séduire les inconditionnels du hard mélodique, le très puissant "Man or machine", à la fois modene et très heavy, et "Feel my love", une compo très Whitesnake (période 1987) dans l'esprit et parfaitement réussie. Un tel début laisse forcément rêveur et l'on est très surpris de voir que Silent Rage parait parti pour réaliser un album de big-rock US monstrueux comme les ténors du genre n'en font plus depuis longtemps...

Malheureusement, la suite n'est pas aussi brillante, et le quartette américain, après avoir fait illusion, rentre vite dans le rang en proposant des titres quelconques. C'était trop beau pour être vrai... Ce n'est pas que ces titres soient mauvais, mais ils ne sortent nullement de l'ordinaire et n'ont pas l'etincelle qui leur permettrait de marquer les esprits. Un seul exemple permet d'illustrer un tel constat: la ballade "Close your eyes". Déjà, rien que le titre fait cliché. Ensuite, c'est une ballade sans envergure, qui n'apporte absolument rien par rapport à tout ce qui a été fait antérieurement. Bien sûr, il y a plein de ballades nettement plus pourries que celle-là, ce ne sont pas les exemples qui manquent à ce niveau (durant la grande époque du Hard US, certaines ballades infâmes ont même été couronnées de succès). Cependant, ce qu'a fait Silent Rage avec "Close your eyes", des milliers de groupes sont capables de le faire.

Silent Rage arrive tout de même à sauver l'honneur gràce au titre "Nobody knows(Ballad of Andy and Glory)", une compo qui surprend agréablement car elle commence comme une guitare acoustique, avant que la section rythmique, puis les guitares heavy prennent le dessus et emballent le morceau au point de le rendre excitant. Puis en concluant avec "Trouble", un up-tempo heavy furibard, déchainé, avec des choeurs énormes qui voit le quartette américain lorgner ouvertement vers les sphères foncièrement metal.

Au final, cette quatrième offrande de Silent Rage laise un sentiment mitigé: après un départ en trombe, l'album est tombé dans la banalité et tout compte fait, les 4 premiers titres, ainsi que 2 autres contribuent à rehausser le niveau de qualité de ce "Four letter word". On a, d'un côté, des chansons qui sortent nettement du lot et, de l'autre, des titres qui ont de quoi faire des complexes d'infériorité. Bon, ce n'est pas un disque désagréable à écouter, d'autant que Jesse Damon chante vraiment bien sur l'ensemble de l'album, les musiciens ont fourni du bon boulot. Les amateurs de hard mélodique devraient trouver pas mal de motifs de satisfaction avec cette galette. Mais, à l'instar de nombreux albums de Hard US parus ces derniers temps, il manque globalement une certaine magie sur "Four letter word". Le contraire eut été un veritable miracle. Et puis, je vais être franc: même les tout meilleurs titres de l'album n'atteignent pas la dimension, la flamboyance d'un "Rebel with a cause", qui reste donc (pour toujours ?) LE titre-référence de Silent Rage.