A peu de choses près, "Lies" est un disque inutile. Si ce n’est qu’en général, on ne mesure pas assez son importance au regard de deux choses.

La première chose, c’est "Patience". Seule chanson intéressante de l’album, elle marque en quelque sorte la normalisation des GUNS N’ ROSES. Eux qui n’avaient pas voulu placer plus d’une ballade sur "Appetite For Destruction" (ce fut bien sûr "Sweet Child O’ Mine"), eux qui voulaient jouer les durs pour se démarquer de la meute des glameux mid-80s, baissent finalement leur culotte devant la toute puissance des dieux Billboard et MTV.

Car "Patience" n’est en définitive que l’une de ces innombrables ballades acoustiques qui firent frissonner les jeunes filles en ces temps reculés. Souvenons-nous avec émoi de "Every Rose Has Its Thorn" de POISON ou de "When The Children Cry" de WHITE LION... Tous font pareil à l’époque et l’angle marketing est identique : le monde découvre alors cet être paradoxal qu’est le hard rocker au repos, calme et romantique, triste et mystérieux, dont la violence rampante, temporairement éteinte, ne s’exprime plus qu’à travers quelques tatouages et cheveux longs.

Avec cette chanson, le groupe se déleste tout simplement de son intégrité et lève le voile sur ce qu’il est vraiment : un vulgaire attelage Glam. Alors même que "Sweet Child O’ Mine" avait prouvé que l’on pouvait atteindre le sommet des charts sans vendre son âme, "Patience" apparaît comme une forme de renoncement.

La deuxième chose est que "Lies", même si on ne le sait pas encore à ce moment-là, révèle l’impasse créative dans laquelle se trouve le groupe. La première moitié, un faux live (tout a été enregistré en studio) qui date de 1986, est totalement anecdotique – si ce n’est peut-être "Reckless Life" au refrain potable. Et la partie acoustique est honnête mais sans grand intérêt. Cerise sur le gâteau, "One In A Million" permet de constater d’Axl Rose est soit idiot, soit raciste, ou un peu des deux.

En 1988, les GUNS N’ ROSES sont supposés composer la suite d’"Appetite For Destruction", mais ce "Lies" est tout ce qu’ils ont à proposer. Il leur faudra encore deux ans pour entrer en studio en trainant les pieds et se résigner à recycler de vieilles chansons accompagnées de quelques nouvelles compositions très hétéroclites et souvent poussives. Les deux "Use Your Illusion", en ce sens, seront des "Lies" à la puissance dix : l’aveu du tarissement de l’inspiration.

Inutile, "Lies" est donc important en ce qu’il demeure une clé de compréhension de ce que furent réellement les GUNS N’ ROSES : de très éphémères génies.