S’il y a bien un album qui aura connu une mise au placard, c’est bien ce "Walk On Water" et il s’agit évidemment d’une injustice terrible, vu que ce disque tient facilement dans le quinté des meilleurs opus studio de UFO. Et oui, rien que ça. Il faut dire que la bête se présente sous les meilleurs hospices (de Beaune). En effet, nous retrouvons ici non pas le line-up original de UFO (celui-ci, tout le monde s’en fout ou presque), mais le line-up légendaire du groupe, celui-là même qui avait immortalisé son talent sur le terrible "Strangers In The Night", à savoir Phil Mogg au chant, Pete Way à la basse, Paul Raymond à la guitare et aux claviers, Andy Parker à la batterie et surtout Michael Schenker à la guitare.

Cerise sur le gateau, la production est assurée par Ron Nevison, tous les ingrédients sont donc là pour la recette soit délicieuse et il n’y a effectivement pas tromperie sur la marchandise. Après, il est difficile de voir en ce disque une suite logique à "Obsession", dernier effort studio en date avec le Schenk. Les musiciens ont pris de l’âge, ont vécu diverses aventures plus ou moins formatrices, et il y a eu des ratés de partout. L’album précédent, "High Stakes & Dangerous Men" était certes sympathique, mais parfaitement anonyme dans la pléiade de disques du groupe, "Walk On Water" va grandement relever le débat.

Avoir le line-up de rêve est bien beau, mais aussi faut-il savoir en faire quelque chose. UFO n’a pas connu une carrière de tout repos, entre un chanteur à la voix d’or mais pouvant être très arrogant et antipathique, un bassiste dont le foie n’est plus qu’une éponge suintant le whisky qu’il s’enfile, un Paul Raymond qui va souvent voir si l’herbe est plus verte ailleurs, et un Schenk' souvent ingérable (Andy Parker est quant à lui très discret). Cependant, il règne sur ce disque une espèce de paix, où l’on sent que chacun est content d’être là et donne le meilleur de lui-même. Et surtout, Michael Schenker semble avoir retrouvé une bonne partie de son inspiration.

"Walk On Water" n’est peut-être pas le disque de UFO le plus acéré, mais il est certainement l’un des plus élégants. Certes, la pochette originale n’est pas terrible et chacune de celles des multitudes d’éditions différentes semble chercher à faire pire que les autres (un robinet, sérieux, quoi… Bon, peut-être que le groupe n’a pas eu les droits sur Jésus, mais quand même…), mais cela reste une constante avec UFO. Mais dès que l’on pose le disque sur la platine, il devient difficile de faire la fine bouche.

Le riff introductif de "A Self Made Man" est tranchant comme un rasoir même si l’ensemble se veut plus posé par la suite. Mais le Schenk' n’avait plus rien proposé de cette trempe depuis un moment. Alors oui, "Walk On Water" n’est pas agressif, mais il est d’une subtilité rare et contient son lot de titres qui auraient pu devenir des classiques dans un autre contexte. "Venus" est à se damner, "Darker Day" se veut plus profonde, "Dreaming Of Summer" dégage une certaine nostalgie à laquelle UFO nous avait plus habitué depuis un moment. Et globalement tout se tient, tout semble cousu de fil blanc sauf que…

Sauf qu’encore une fois, le groupe a trouvé le moyen de se tirer une balle dans le pied en proposant une fin d’album qui aurait mérité un meilleur sort. Des nouvelles versions de vieilles chansons, pourquoi pas ? Mais s’attaquer aux classiques du Rock que sont "Doctor Doctor" et "Lights Out" est forcément casse-gueule. Si la première n’est pas dégueu dans son interprétation, elle perd tout de même pas mal du côté entraînant de l’original, tandis que la seconde s’effondre, démunie de sa fulgurance fédératrice comme elle l’est ici. Frustrant au vu de la qualité du reste.

Ensuite, ce disque aurait pu avoir une carrière bien différente s’il n’était pas sorti à l’origine qu’au Japon, qui est une espèce de cercueil doré pour les formations de ce genre. En Europe, il aura donc fallu attendre 1997 pour pouvoir se le procurer autrement qu’en import et à un prix décent, le privant de la mise en avant qu’il méritait. "High Stakes & Dangerous Men" était un retour discret, suscitant juste une espèce de curiosité (et encore !) ; "Walk On Water" avait clairement les épaules pour assurer un nouveau départ à cette légende britannique. À découvrir absolument !