Tobias Sammet vient de sortir "Moonglow", huitième opus de son aventure solo démarrée en 2000. Il convient je crois de rembobiner pour revenir vingt ans plus tôt. À cette époque, les jeunots d'EDGUY n'ont que leur créature à l'esprit et sont déterminés à se faire une place sur le marché du Heavy en pleine explosion. Tout peine vingt-et-un an, le jeune Tobias Sammet a trouvé sa voix, quelque part entre Bruce Dickinson (le timbre) et Michael Kiske (les intonations) et surtout, il a l'appui d'AFM Records, à la suite d'un "Kingdom Of Madness" pas folichon.

Mais c'est en 1998 que le talent des jeunes Allemands va exploser à la face de l'Europe, enfin surtout de l'Allemagne, il faudra attendre son successeur l'année suivante pour qu'il devienne une véritable locomotive. "Vain Glory Opera" a été préparé avec tout le soin possible, son mixage étant confié à l'omnipotent Timo Tolkki et le mastering à son acolyte Mika Jussila. Timo Tolkki qui place d'ailleurs un solo effréné dont il a le secret sur "Out Of Control", sans nul doute le titre le plus fort de l'album, et surtout l'un des seuls mid-tempi. Son souffle épique est renforcé par les vocalises enragées d'Hansi Kürsch (que l'on retrouvera aussi le temps d'un pré-refrain sur la pièce-titre).

Car l'album est fait essentiellement de speederies ! Aujourd'hui on peut rire de cette ouverture pompeuse qui singe "Carmina Burana", mais la suite ne fait pas rire. EDGUY a déjà le sens du refrain qui fait mouche, et de la mélodie accrocheuse. "Until We Rise Again" et "How Many Miles" propulsent l'album en pleine lumière en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Et Jens Ludwig affiche déjà un talent des plus précoces en cartonnant sur le solo de la seconde. Les ballades ne sont vraiment pas le fort de Tobias, qui encore aujourd'hui peut faire preuve d'une mièvrerie sans nom. Mais "Scarlet Rose" a tout de même ce quelque chose en plus. On ressent dans son interprétation une grande sincérité, pas encore encombrée de ces atours théâtraux qui viendront rendre son chant plus maniéré par la suite (mais plus abouti aussi). En cela, "Tomorrow" est supportable tant le chanteur semble y croire.

Et puis ce type de morceau orchestral aère en fait l'album d'une manière tout à fait inattendue, montrant que le groupe en a sous la semelle. S'il peine encore à optimiser son discours ("Walk On Fighting" qui hésite entre Heavy, guitares acoustiques, le plus offensif "No More Foolin'" au chant plus rugueux, hérité des premières années, on peut se douter que les influences d'EDGUY sont plus vastes que ce que l'on pourrait croire, à travers cette reprise d'ULTRAVOX qui sans aucun doute en aura surpris plus d'un à sa sortie. EDGUY a plus de mal à enchaîner sur sa deuxième partie d'album, qui est aussi la plus variée et surprenante, après l'équivalent d'une face A (le vinyle n'est pas revenu à la mode à l'époque) absolument parfaite ! Mais maintenant qu'on connaît la suite de la carrière d'EDGUY, difficile de ne pas voir des prémices des approches plus dures d'un "Nailed To The Wheel" ou d'un "Down To The Devil" sur un "No More Foolin'".

Dès son troisième album (le second pour AFM), EDGUY casse la baraque avec un disque soigné, frais, et bardé d'hymnes Power, confirmant une tendance qui prend de l'ampleur : le retour en grâce de ce style créé par HELLOWEEN dix ans plus tôt. Pour tous les metalleux de ma génération, refaites le voyage en compagnie de "Vain Glory Opera", vous ne le regretterez pas.