GRIP INC. nous avait habitués à un album tous les deux ans. Il a fallu en attendre cinq pour avoir droit à un successeur à "Solidify", sans que l’on se doute un instant qu’il s’agirait là du dernier effort à sortir de la part de cette formation atypique dans le genre. Pourtant, il y avait quelques indices, le fait que Dave Lombardo et Waldemar Sorychta se complaisaient dans des projets parallèles. "Incorporated" valait bien cette attente parce que l’on va se prendre une claque magistrale.

Encore une fois, le disque comporte onze pistes, mais cette fois-ci, il n’y a pas d’instrumentaux. Le groupe est en mode bulldozer et il nous le montre d’entrée de jeu. Oh, bien sûr, "Curse (Of The Cloth)" va broder le temps d’une vingtaine de secondes avant de nous infliger une leçon de Thrash à décoller le papier peint des murs. "The Answer", je n’en parlerai même pas, c’est un coup à vous décalotter la boîte cranienne. D’entrée de jeu, "Incorporated" est dense, puissant, lourd et violent. Sa puissance nous interpelle vite avant de nous écarteler minutieusement.

Ce disque est viscéral. Gus Chambers y livre une prestation éblouissante, tout comme ses comparses. Encore une fois, Sorychta laisse transparaître ses influences Indus qui se marient très bien avec le Thrash martial de GRIP INC. "Incorporated" reprend les formules déployées sur les trois premiers disques : l’agressivité de "Power Of The Inner Strength", la force mélodique de "Nemesis" et la sécheresse de "Solidify". Cela se traduit par une intensité furieuse, mais qui laisse respirer les morceaux, qui s’en trouvent ainsi littéralement dopés.

Encore une fois, GRIP INC. brise toutes les lois du Thrash pour en jouer à sa façon. Le groupe sonne résolument moderne et barbare à la fois. Il ne déroge pas à sa règle de toujours aller de l’avant, sans se laisser enfermer dans les carcans d’un style parfois trop rigide. Un morceau comme "Skin Trade" est une petite merveille que chacun devrait au moins écouter une fois dans sa vie histoire de se prendre un coup de boule pour le plaisir plutôt que de le subir.

"Incorporated" est le genre d’album qui marque, indubitablement. Déjà, parce qu’il couronne une carrière certes trop courte mais exemplaire. Ensuite, parce que le suicide de Gus Chambers quelques années plus tard allait définitivement mettre un point final à ce projet, dont cet ultime opus apparaît comme étant le testament. Une des plus belles page du Thrash se tourne donc sur cet "Incorporated" qui aurait pu avoir un tout autre destin.