À la faveur d’un changement de collège ordonné par mes parents suite au redoublement annoncé d’une troisième désastreuse au niveau de la conduite et du travail, me voilà propulsé en cette rentrée 1995 au milieu d’une classe où je détecte rapidement quelques larrons semblant portés un certain goût pour la vindicte et la rébellion comme moi. Deux attirent plus particulièrement mon attention l’un porte un T-Shirt DEICIDE, porte des rangers et éructe régulièrement en cours de français tandis que l’autre semble porté par l’amour du Metal sous d’autres formes, et à travers son regard doux bleuté il m’invite le premier à rapidement intégrer la bande. Dans la classe ce petit groupe se distingue d’un autre plus feutré qui tourne en pâmoison devant NIRVANA, KORN, GREENDAY et consorts. Le ridicule ne tue pas à l’époque et sous leurs airs bellâtres ces derniers feront l’unanimité de la gent féminine, celle-ci étant sans doute moins attirée par la salacerie et la gaminerie de ce Brutal Death Metalleux et les espiègleries de ce blondinet aux yeux d’acier. Moi du haut de ma petite taille, j’entamais cette rentrée en traînant dans mes bagages mes embarras Punk (THE EXPLOITED, BERURIER NOIR, SEX PISTOLS, BUZZCOCKS, LUDWIG VAN 88 etc…), bien incertain pourtant d’un quelconque partage.

Mais voilà que ce garçon au visage angélique et encore poupin s’enivre de mon embarras tout en engageant la conversation. Rapidement la musique anime nos discussions. Lui me parle de DARK TRANQUILLITY notamment mais insiste sur un disque qui lui fait muscler son cou et qu’il balade n’importe où : le "Slaughter Of The Souls" de AT THE GATES. En échangeant nos disques chéris notre amitié grandit et s’aimante réciproquement, et sur ma chaîne Hi-Fi, en rentrant chez moi, la lecture de "Blinded By Fear" me fait reconsidérer ma vie. C’est un bouleversement, une détonation cérébrale que l’album en entier me procure. Son rythme violent et effréné résonne comme un appel d’air monstrueux aussi dense que large, aussi haut que profond. Capté et figé par ce que j’entends, je comprends que cet album est un point de bascule d’une longévité telle qu’il couronnera ma vie de manière annonciatrice de mille autres tumultes.

Il ne fait aucun doute que ce disque est légendaire et botte le cul à des millions d’autres, il n’est rien d’autre qu’un incroyable écarquillement d’émotions dans l’âme, une trépanation et une thoracotomie à ciel ouvert qui ferait galoper la mort et la vie dans un duel fraternel. "Slaughter Of The Souls" est rentré dans ma vie et n’en sortira plus. Il m’accompagne dans mes ténèbres comme dans mon éden, c’est une lampée de merdes et de vitamines, du souffre et un joyau insensible… J’aimerais vous écrire tant de choses pour vous décrire chacun des titres mais à quoi bon quand tous frisent la perfection, sans l’once d’une moindre vanité mais avec l’exploit du prodige.

Cet album, c’est celui de mon pote Sam, c’est celui de mes 15 ans, c’est aussi celui qui m’ouvrira les portes d’ivoire qui mènent vers les enfers infinis du monde, de celui des autres et en premier lieu aux miens.