Ce premier album de SORDID BLADE est un peu l'histoire d'un siège. Celui de mon âme d'amateur de Heavy Metal. D'accord, je ne suis pas le plus grand connaisseur de Heavy épique dans l'équipe de NIME, mais je ne suis pas le dernier pour apprécier un bon vieux MANILLA ROAD ou un ATLANTEAN KODEX. Sans compter que CIRITH UNGOL fait partie de mes groupes de Heavy favoris, toutes chapelles confondues. C'est pourtant avec circonspection que j'ai accueilli "Every Battle Has Its Glory" même si sa pochette embrumée m'avait tapé dans l'œil avant même sa sortie. Une fois sorti, cependant, j'ai mis un peu de temps avant d'accorder un minimum de crédit à ce disque et au groupe qui l'a composé. Il faut dire que le mixage du disque, son faux rythme apparent et la voix du chanteur m'avaient laissé de marbre…

…et puis, comme une flèche enflammée sur les portes de bois closes d'une forteresse, il n'a fallu qu'un impact pour que mon petit cœur commence à s'embraser. Cette flèche, c'est le changement de ton qu'opèrent les guitares sur le refrain de "Hidden Enthronement" ; ce riff lancinant qui semble éclairer un environnement jusqu'ici plongé dans le crépuscule. Dès lors, le feu s'est doucement propagé. Une flamme attisée par ces vocaux étranges, ces paroles mal articulées, comme gémies par un soldat fourbu, aux R roulés et rouillés tel le mécanisme d'une vieille arbalète. Un chant finalement admirablement en phase avec la musique sur laquelle il se pose. Car, oui, une fois que l'on y a cédé, ces vocaux sont le feu qu'attendaient les guitares bélier pour enfoncer définitivement les ventaux et pénétrer la basse-cour !

C'est ainsi que le premier rempart de mon palpitant a fini par rompre et qui y est entré, conquérant, ce SORDID BLADE solidement armé. Lui dont on aurait pu croire l'épée émoussée au départ en révèle finalement tout son tranchant, mis en évidence par le puissant riff initial de "Hidden Enthronement". Mais aussi par ceux du plus solennel "Halfway To Heaven", d'un "My Guarded Home" viril, du nostalgique morceau titre ou d'un "Mighty Old Star" plus mémorable aux écoutes suivantes qu'à la première. Des riffs simples mais pas simplistes, entre lesquels se glissent des leads plus tranchants encore, capables de défaire les défenseurs de la haute-cour et de mettre à mal ceux du donjon.

Conduit sur un tempo rarement fulgurant mais qui tient de l'inexorable, cet assaut n'avait plus besoin que de s'envelopper d'une atmosphère brumeuse pour subjuguer les ultimes gardes du logis seigneurial. Cette atmosphère quasi mystique et sans doute un peu magique, aussi, qui achève de nimber d'une aura mythique cette victoire inattendue mais définitivement inévitable sur mon âme conquise. Le genre d'atmosphère qui suffit à masquer les défauts – bien présents si vous avez lu la chronique du valeureux Dark Schneider – aux yeux de ceux charmés, comme moi, par ces inattendus guerriers venus de Suède.