Pour qui suit un peu les réseaux sociaux, il était difficile d'échapper aux posts récurrents et mégalomaniaques de Tobias Sammet, qui semblait se réjouir d'être un peu isolé chez lui, avec quelque chose qui lui manquait depuis plusieurs années pour pouvoir faire les choses sereinement : le temps. Et il l'a annoncé à grands renforts de publications tapageuses : le futur "Moonglow II" (c'était son titre de travail, et il constitue tant thématiquement que musicalement une continuation directe du carton de 2019) serait l'album le plus personnel enregistré par AVANTASIA depuis "The Metal Opera" et il avait contrairement à tous les albums réalisés depuis "The Scarecrow" été plus contrôlant, y compris envers son partenaire indispensable Sascha Paeth, même s'il ne l'a pas formulé ainsi.

Toujours est-il qu'en ayant pris en charge quasi tous les vocaux (au point de faire de ce neuvième opus (non vous ne me ferez pas écrire le titre entier) un disque de duos, une bonne partie des claviers et de la basse, Tobias est revenu dans une ambiance de travail qui caractérisait davantage EDGUY au début des années 2000, l'expérience et l'âge aidant.

Le côté duos n'est peut-être pas le plus perturbant, même si cela a une incidence sur la dramaturgie bien plus présente qu'il ne m'a semblé jusqu'ici, et crée un contraste assez fort avec "Moonglow" dont les titres les plus notables mettaient en situation de dialogue au moins quatre protagonistes ("Book Of Shallows", dont "The Wicked Rule The Night" est une resucée, malgré la performance stellaire de Ralph Scheepers, "The Raven Child", The Piper At The Gates Of Dawn" qui était une orgie de vocalistes à la "Seven Angels").

Du côté des compositions, on peut saluer la diversité et le soin apporté à l'individualisation de chaque morceau, et certains choix payants, comme de donner un morceau plus enlevé à Eric Martin, ou d'utiliser la versatilité de Ronnie Atkins sur "Paper Plane" (le titre qui se dégage de l'opus avec "The Moonflower Society" et "The Wicked Rule The Night" mine de rien), ou encore le côté sans frontières d'un "Arabesque" qui manque néanmoins de cohérence pour convaincre ; je vois ce titre comme un patchwork de plusieurs idées musicales qui manquent de liant entre elles. L'élément qui en ressort c'est cette ambiance à la "Toy Master" par endroits et un Jorn Lande moins gueulard que d'habitude.

Mais tout cela peine à séduire, et dans un style similaire, n'arrive pas à tenir la comparaison avec "Ghostlights" et encore moins avec "Moonglow". Si AVANTASIA doit être désormais l'unique cheval de bataille de Tobias Sammet, les idées de l'Allemand nécessiteront toute la force de persuasion de Sascha Paeth pour en tirer le meilleur. Paradoxalement, cette soirée paranormale (et il est vrai qu'on ne peut lui ôter un certain cachet, écouté par les nuits longues de l'hiver approchant) montre le plus à quel point Sascha Paeth a une importance fondamentale dans ce qui constitue AVANTASIA depuis 2007, et pourtant Tobias met un point d'honneur à le dire à chaque concert.