TRAVELER porte très bien son nom. Parce qu'il dispose de cette capacité, très recherchée de nos jours, à voyager dans le temps et l'imaginaire et, surtout, d'y emmener avec lui ses auditeurs. Le talentueux Matt Ries, véritable Doctor Who dont le TARDIS nous propulse aussi facilement dans la dimension Lovecraftienne, niveau textes, que dans la Grande Bretagne du début des années 80, niveau musique, symbolise à lui seul ce que la New Wave Of Traditional Heavy Metal (NWOTHM), forcément inspirée de la NWOBHM, a de meilleur. Son goût pour les riffs en acier trempé, pour les lignes de basse cavalières et pour la littérature fantastique se manifeste de manière éclatante sur le stupéfiant "Starbreaker", énorme tube de Heavy PRIEST-ien, immédiat et intemporel, magnifié par le chant de Jean-Pierre Abboud.

Quel vocaliste que cet Américain exilé volontaire au Canada ! Déjà remarquable et remarqué chez GATEKEEPER, le bonhomme se révèle encore meilleur avec TRAVELER, où son sens dramatique explose littéralement. Car voici un chanteur qui donne tout, exprime une variété d'émotions rare chez les hurleurs actuels et dont le grain de voix, fragile a priori, ne l'empêche en rien d'attaquer les notes les plus hautes et de toucher le fan de Heavy Metal au cœur. Rehaussées par une reverb à l'ancienne, ses lignes de chant subliment ce festival du riff qu'est ce premier album studio de TRAVELER. Car, que l'on soit bien clair, sans l'art de la découpe de Ries, la voix d'Abboud n'atteindrait peut-être pas ce degré émotionnel. Et même si l'hyper geek et nostalgique instrumental "Konamized" est excellent, c'est ensemble que les deux artistes sont plus forts, bien soutenus par Chad Vallier et Toryin Schadlich.

Ensemble, donc, ils donnent ici naissance à de petits bijoux de pur Heavy Metal comme on les aime depuis plus de quarante berges. "Street Machine", "Behind The Iron" et "Up To You" avec leurs chœurs bienvenus, le tragique "Fallen Heroes" et le désabusé "Mindless Maze" brillent tous par leur intensité. Oui, c'est classique, voire archi classique, traditionnel, même, mais qu'est-ce que ça fonctionne bien ! Presque tous les morceaux interprétés sur ce longue durée disposent d'un capital headbanging élevé et l'on se prend à les imaginer joués Live, dans une petite salle chauffée à blanc. Quel kiff potentiel ! Même l'agressif mais tout de même moins remarquable "Speed Queen" fait le taf. Vivement le deuxième album...