Et si le chef d'œuvre du Punk était sorti après que celui-ci se soit auto-sabordé ?

Le raccourci peut sembler gros, mais le Punk '77, qui a permis la propagation à grande échelle du bordel sonore et énergétique créé par les furieux de Detroit quelques années plus tôt, est déjà mort avec la dissolution des SEX PISTOLS qui, bien relayée par les médias, entraîne une uniformisation des groupes et un désintérêt rapide du public pour une musique qui s'est assez vite vidée de son attitude et donc de sa raison d'être.

Les CLASH sont les seuls, avec les DAMNED, à maintenir le navire à flots. Et alors que les compères de Joe Strummer vont affoler les charts, le troisième larron de la triplette gagnante est déjà laissé pour mort par le public, le milieu et le business. Fraîchement reformé, The DAMNED délivre une mandale inattendue et d'une intensité rare en 79.

Ils ne misent pas sur la brutalité, mais les Anglais, recentrés autour du duo Vanian/Sensible suite au départ de Brian James (l'artisan des premiers succès), parviennent à faire mieux que le mythique "Damned, Damned, Damned" tout en s'accordant la liberté de ne pas coller aux attentes de look et de son du public Punk mainstream (déjà ces deux mots dans une phrase, ça vous choque aussi ?).

On comprend à l'écoute de cet ensemble aussi explosif que compact que Lemmy aurait fait un bassiste incroyable pour les DAMNED, la basse vrombissante d'Algy Ward se faisant une place de choix tandis que ce bougre de Ray Burns a repris à son compte la six-cordes pour délivrer des parties parfois inattendues mais aussi des soli pas piqués des hannetons. Il est d'ailleurs particulièrement surprenant sur la reprise du MC5 où sans doute personne ne l'attendait à un tel niveau de maîtrise.

"Machine Gun Etiquette" est pourtant incroyablement sale et Punk… Ce qui ne l'empêche pas d'enfiler les tubes comme autant de perles ! Voyez plutôt la playlist proposée… La plus grande partie constitue toujours la clef de voûte des setlists du groupe, et ce presque quarante ans après sa sortie. Et même les courtes respirations que sont "These Hands" avec le chant faux comme choix artistique (j'ai eu du mal mais on s'habitue, et puis Johnny Rotten nous a forcés à nous y faire) et la première partie de "Smash It Up" ne font pas redescendre la pression. Car dans le mid-tempo, The DAMNED sait rester percutant avec "I Just Can't Be Happy Today" (et ses vocaux de dépressif) et "Smash It Up" avec ses "who oh oh" à reprendre à gorge déployée.

"Love Song", "Machine Gun Etiquette", "Melody Lee" (ma préférée, avec sa délicate introduction de piano), "Anti-Pope", "Noise Noise Noise" (ou comment se moquer de soi-même) ou "Liar" sont autant de chefs d'œuvre du Punk pliés en deux minutes qui vous pètent à la gueule sans prévenir qui valent très largement un "New Rose" ou un "So Messed Up". Les magazines spécialisés accordent plus volontiers leur vitrine à "Damned, Damned, Damned" pour sa place de précurseur du mouvement Punk anglais, mais le chef d'œuvre Punk des DAMNED et du Punk tout entier c'est clairement cette usine à tubes sans règle ni concession qu'est "Machine Gun Etiquette".