Pour moi DIMMU BORGIR a toujours été un groupe en sursis, échappant de justesse à la mise à la poubelle, depuis sa naissance (juste assez tardive pour ne pas faire partie des badass du Black Norvégien) jusqu’au plus haut des colisées (Blackbuster hollywoodien).
Taxés d’être de gros vendus, opportunistes, absorbeurs sans vergogne de talents, mégalos au mauvais goût, on ne les tolère que parce que de temps en temps ils nous clouent bien le bec avec leur zic (sans compter leur habileté à gérer un business maousse costaud.)

Je les ai toujours approchés avec suspicion, depuis leur irruption bodybuildé avec "Enthrone Darkness Triumphant", sans jamais m’empêcher de prendre du plaisir avec leurs chansons, acceptant l’évidence de leur accroche (dans le meilleur des cas), reconnaissant le professionnalisme, et jubilant même sur leurs quelques très bons coups.

Alors quand ils se livrèrent tout entier au dieu Symphonique sur "Abrahadabra", je ne me suis pas senti le moins du monde trahis. Le temps a d’ailleurs parlé en faveur de ce disque qui demeure agréable.
Je n’attendais donc rien de spécial de cet album du comeback, si ce n’était l’occasion de se livrer à un bon DIMMU-bashing au regard des deux previews, en particulier cet "Interdimensional Summit" pas folichon et son clip à l’imagerie téléphonée.

J’écoute l’album sans la plus petite intention de l’acquérir. Et me voici stupéfait.
Un son clair, une variété évidente et une impression globale de fraîcheur. Et ça m’a plu !
Contrairement à leur habitude de livrer le meilleur en single, il s’avère que les deux morceaux sortis du lot sont parmi les plus faibles de l’album nouveau.

Évidemment c’est tout sauf du Black Metal, n’en déplaise à Shagrath. Le triumvirat norvégien s’abandonne enfin totalement à la lumière. C’est clinquant et policé évidemment mais c’est aussi tout doux, gentil et léger. Les rares blasts sont plus conceptuels qu’autre chose et n’ont rien d’agressif ("Alpha Aeon Omega").
On ne frissonne jamais ("Council Of Wolves And Snakes" se la joue inquiétant mais ne fera peur à personne) et vous savez quoi ? C’est pas grave !

L’orchestral est fortement réduit pour laisser toute la place aux chœurs qui sont les vrais stars de ce nouveau disque, pourvoyeurs de refrains grandiloquents et accrocheurs.
On est surpris par le retour des claviers synthétiques Space Goth un peu cheasy (gros clin d’œil à "Enthrone Darkness Triumphant" sur "Lightbringer", entre autres) qui participent activement à cette fraîcheur surprenante mais bienvenue.

On reconnaît la patte DIMMU correctement coupée avec des éléments variés et généralement plutôt bien agencés dans des titres cohérents et souvent efficaces ("Archaic Correspondence", qui ravivera le plus les fans.) On demeure parfois en terrain très (trop ?) connu, tel "I Am Sovereign" où les sempiternelles rythmiques-double-pédale reprennent le pouvoir pour un temps.

Si pour vous DIMMU est un vrai groupe de Black qui assure et fait peur, nul doute que vous trouvez de quoi cracher dans cette soupe froide estivale à l’assaisonnement doux, et vous aurez raison de regretter le passé. Si par contre ils n’ont pour vous jamais été rien de plus que des guignolos habiles, en prenant ce divertissement pour ce qu’il est, il est possible que comme moi vous passiez un sacré bon moment avec leur nouvelle évolution au noir totalement délavé mais baigné d’une puissante lumière. Je ne m’y ennuie pas une seconde malgré les cinquante-quatre minutes.
Difficile de dire si "Eonian" vieillira bien ou pas, et c’est encore plus dur d’y mettre une note vaguement objective comme ça à chaud. Alors, un peu pour la provoc’ j’ai envie de lui mettre une grosse note, quitte à le regretter plus tard.