Difficile de ne pas être excessivement élogieux lorsque l’on traite d’une formation ayant élevé la musique au paroxysme de son art, soit par son travail acharné, soit par l’excellence dans son exécution, soit tout simplement par son génie (bien qu’il soit purement illusoire d’en donner une définition tangible et faisant l’unanimité).

ORIGIN est complexe à catégoriser en cela, car il conjugue aisément ces trois aspects, si tant est que l’on pardonne aux Kansasiens le faux-pas précédent qu’était "Omnipresent", on a tous le droit à l’erreur non ?

Surtout que cet "Unparalleled Universe" (UU) sait brillamment corriger le tir. On oublie tout, on prend les mêmes, on recommence, et quel revirement… Là où "Antithesis" me foutait les nerfs (dans les bons sens du terme, car rares sont les albums qui peuvent autant faire monter la cadence du palpitant, même en étant un habitué de longue date du Brutal Tech), "UU" se montre plus sophistiqué et adroit dans l’exercice. Et, pour me mettre totalement à nu, j’étais quelqu’un avant son écoute, et j’étais quelqu’un d’autre après. Comme s’il m’avait inculqué quelque chose : que des humains cravachent pour produire ce genre d'œuvre, tandis que d’autres, simples mortels, ne sont pas habilités à en dépeindre les contours les plus vagues.

Car en effet, les titres sont lourds (toujours dans le bon sens du terme, je vous avais dit que j’allais être élogieux !), écrasants, jusqu’à pousser le vice à virer à la malsanité : on erre dans un perpétuel sentiment de mal-être et d’admiration à la fois. On en veut toujours plus, et cet album sait sustenter.

L’arythmie guette dans chaque recoin de ce disque, en témoignent des titres comme "Dajjal", "Burden of Prescience" ou "Invariance Under Transformation" : on ne sait jamais à quelle sauce on va être bouffé. Les coups sont martelés par John Longstreth sur ses fûts avec la précision d’une machine bien huilée, les lignes de basse de Mike Flores sont abyssales, les sweepings de Paul Ryan, écoeurants. Et le tout est orchestré pour ne laisser aucun répit : point de prolégomènes, tout ou presque attaque frontalement.

Et là où les titres déferlent aussi vite qu’une gatling se décharge, "Unequivocal" monopolise près d’un quart de l’album à lui tout seul dans une démonstration époustouflante en deux actes de quasiment dix inlassables minutes au final épique. Nous sommes désormais coutumiers des longs titres conclusifs sur les albums d’ORIGIN. Tout est en régularité et en maîtrise, sans pour autant feindre une trompeuse facilité dans l’exécution : écouter ORIGIN est exigeant, et les membres ne nous mènent pas par le bout du nez.

Amateurs de musique extrême, mais aux tympans un peu trop sensibles, vous vous exposez à une expérience douloureuse et vous n’aurez cesse de vous demander : “Pour qui sonnent glas et tocsins ?”

Note réelle : 5/5. Une galette anthologique, qui ne laissera personne indifférent.

Morceaux préférés : "Cascading Failures", "Dajjal", "Unequivocal"