BEHEMOTH a commencé par faire du Black Metal. On le sait et on s'en fiche un peu. La carrière du mastodonte du Metal Extreme est suffisamment riche de brûlots ("en brûlots" ça sonne mieux) dévastateurs pour qu'on ait besoin de prendre en compte un passé moins glorieux. Si le combo polonais peut être classé parmi les groupes qui se bonifient en vieillissant, il est en revanche le seul dans une autre catégorie : celle d'un groupe qui a commencé par le Black Metal pour ensuite évoluer vers le Death Metal, car c'est plutôt l'inverse qui fut la norme au début des 90's.

Et pourtant l'écoute de ce premier véritable album studio nous stupéfie. Tout est différent de la bête qui ravage le monde depuis "Satanica" à coup de blasts techniques. C'est un tout autre univers que nous propose Nergal, du haut de ses 17 piges, et du fin fond de sa Pologne pauvre et isolée. Un son brumeux de guitares ultra fuzzy, une batterie pleine de reverb, un clavier "ambianceur" simplissime, des cris râpeux et plutôt aigus de gargouille, une production faiblarde du niveau d'une bonne démo de l'Inner Circle. Tout y est, c'est du Black Métal Norvégien pur jus, celui d'avant 1993, bien rance et grésillant comme on aime, accompagné de ses pistes ambiantes rudimentaires.

S'il abandonne les thématiques satanistes des premières démos pour embrasser celles du paganisme slave (avec son lot de mythologie locale), il reste dans le créneau classique de l'amour de la forêt, du passé et des ténèbres. Les textes, souvent écrits à la première personne, sont très longs et très narratifs. Le nombreuses parties mid-tempo sont charmantes et plutôt accrocheuses, sortes de ballades Black Metal champêtres, parfois accompagnées de guitares acoustiques ou de nappes simples de clavier. Bien entendu on pense à ULVER mais la qualité de l'écriture est indéniable. Dans tous les cas on ne peut qu'être surpris par cette musique fortement émotionnelle et principalement atmosphérique, dimensions qui disparaîtront totalement de la musique du groupe dans le futur.

BEHEMOTH est un groupe paradoxal qui a, malgré une très forte personnalité, toujours donné l'impression de s'approprier les ingrédients des autres, des influences différentes selon les albums. Sa première partie de carrière (jusqu'à ce qu'il donne l'impression d'avoir trouvé son style) est en perpétuel changement. "Sventevith" l'album est par exemple fort différent du EP "And The Forests Dream Eternally" sorti peu de temps avant (et sur lequel figure "Sventevith", le morceau), et son successeur "Grom" sera encore plus différent. Peu importe car ce premier album peut s'apprécier en lui-même.

Ce disque unique dans la disco du groupe est une petite pépite oubliée, vestige d'une époque révolue, et dont ses qualités (écritures des morceaux) amenuisent ses défauts (quasi absence d'originalité). De même on excusera la production trop rudimentaire (pas facile d'enregistrer un album de Black dans la Pologne de l'époque) et la naïveté des textes (le petit Adam n'avait pas 18 ans).