THE RODEO IDIOT ENGINE m'a toujours paru être le groupe tampon qu'on s'écoute entre deux sorties plus conséquentes. Un constat sévère dû à un flagrant manque d'imagination de la part des basques, qui ont même tendance à s'inspirer trop fortement de groupes de la même écurie. Si "Fools Will Crush The Crown" sortait du lot dans ce que j'appelle un Ionescore intense, "Consequences" montrait une crise artistique : celle d'un projet qui ne sait pas trop où il va mais qui joue le suiveur, adulant l'émotion véhiculée par un BIRDS IN ROW notamment, et délaissant sa rage et sa vélocité pour lorgner dans des territoires où il s'est avéré trop faible. Au premier abord "Malaise" me fit le même effet. Son artwork et son titre m'ont de suite rappelé CELESTE et j'ai senti planer sur ce nouvel album l'influence d'un Black Metal Hardcorisant véhiculé dernièrement par PLEBEIAN GRANDSTAND par exemple. Heureusement, il n'en est rien, et "Malaise" s'avère être une de mes surprises de cette année.

Dès l'entrée "Le Parfum" le ton est donné. "Malaise" est un condensé du savoir-faire du groupe : parties furieusement Hardcore, fougue mathématique, martèlements implacables, cris furieux et grosse saveur épique. De toute évidence cet album démarre sur un de leurs meilleurs morceaux, parfait mélange entre la folie de "Fools Will Crush The Crown" et les tentatives épiques de "Conséquences". De fait, THE RODEO IDIOT ENGINE embrasse son passé dans un melting pot plus dévastateur que jamais, assumant son héritage, extirpant de chacune de ses réussites le meilleur pour remplir ce "Malaise" de moments de bravoure.

Un héritage qui est aussi celui de leur identité. Je salue le groupe pour voir écrit deux morceaux en basque, et les encourage à aller plus loin tant le chant y est plus intense encore (terrible "Makurrak" et son final dramatique). Dans l'ensemble le chant est de toute façon bien meilleur, il a gagné en puissance et en clarté, là où il était seulement correct dans "Conséquences". Au rang du mieux la production, Amaury Sauvé oblige, est exceptionnelle, et met en valeur des parties souvent magnifiques dans leur intensité tragique, proche d'un Screamo dopé au Mathcore ("Passing Daemons").

"Malaise" est également plus varié, mieux rythmé grâce à des morceaux expérimentaux dont l'intéressant "Ildoak", qui rappelle le vicieux "Cup Of Tea?" dans ce qu'il dynamite l'horizon d'attente de l'auditeur après un long crescendo renvoyant à BREACH. Les morceaux violents gagnent ainsi en impact, moins noyés dans une masse compacte difficilement ingérable (pourtant géniale sur "Fools Will Crush The Crown"). Bien sûr "Malaise" contient son lot de titres plus anecdotiques tels "Je Me Noierai" ou "Final Relief", sans grand génie, mais l'ensemble montre davantage de maîtrise et de cohérence, ainsi qu'un souffle épique plus prononcé et jouissif.

Si la légende disait vraie "Conséquences" aurait dû être l'album de la maturité, en tant que troisième arrivé, mais il ne l'était pas. Il apparaît clair que c'est à "Malaise" d'endosser ce noble titre. Plus convaincante dans ses délires masochistes rappelant les premiers essais des basques, plus brutale mais aussi plus assumée dans l'epos et le pathos, la musique des RODEO IDIOT ENGINE n'est certes toujours pas au niveau du mémorable ou de l'indispensable, mais elle est enfin percutante et l'on revient sur cet album avec plaisir.