La traduction est un art difficile et imparfait, fait de compromis et d'approximations. La langue façonnant la pensée, il est souvent impossible d'atteindre les 100% de fidélité en changeant d'une langue à l'autre, et ce, d'autant plus que les langues sont uniques et éloignées l'une de l'autre (exemple une traduction du basque vers le mandarin). Même dans le cas de langues relativement proches, géographiquement comme au niveau du vocabulaire, il est impossible de ne pas perdre un niveau de nuance, une connotation du terme dans la langue. Ainsi même si la traduction anglais-français n'est pas des plus ardues il est impossible de restituer correctement ce que signifie réellement le mot "fun", à tel point que nos jeunesses ingrates et ignorantes n'hésitent plus à l'introduire tel quel dans leur franglais urbain.

Le gang de Mike Patton – car c'est toujours bien lui qu'on retient malgré, par exemple, la performance remarquable et essentielle de Trevor Dunn – semble avoir réfléchi cette question entre l'enregistrement de "Bowel Of Chiley" et celui du self-tilted "Mr. Bungle" et décidé d'apporter un élément de réponse à ce problème délicat et pointu. "Mr. Fungle"(*) est purement et simplement un témoignage musical de ce que "fun" peut signifier de plus profond pour les personnes ayant participé à sa réalisation.

Hélas la démarche rencontre immédiatement un premier obstacle, à l'origine de la non-perfection du projet : le fun est quelque chose d'intensément personnel. Le caractère humoristique d'une blague dépend du contexte et du groupe dans lesquels elle est énoncée, telle situation peut être vécue comme choquante ou hilarante selon que le sujet en est Germaine de Beauvois, avocate à la retraire mère de cinq enfants ou Pierre "Bierrot" Ménard, fumeur de bédos professionnel redoublant sa terminale S.

Ainsi devra t-on regretter en plus du passage du temps, une certaine hétérogénéité, des longueurs discutables tant au niveau de l'album (74 minutes c'est un peu long juste pour du fun) qu'au niveau des pistes, et puis certains passages tout simplement inutiles : la quasi totalité des effets sonores conclusifs ou des dialogues emmerdants – le meilleur exemple en est les trois dernières minutes de "Egg" qui déjà finissait moins bien qu'elle ne commence.

Alors évidemment cela fait beaucoup de remarques, de holàs et de bla-blas pour une chronique désireuse de dépeindre l'incarnation du fun. Rassure-toi cher lecteur voici le moment de parler de Zappa et Zorn comme pères spirituels de l’œuvre, de l'héritage fondamental que l'on peut retrouver dans tous les groupes d'avant-cirque pouet pouet rigolos : ce disque est leur socle commun. Il faut parler de la funk, du ska, de FAITH NO MORE, du gros metal par-ci par-là, des claviers rigolos et autres synthétiseurs kitsch, des cuivres festifs, des titres marrants ("My Ass Is On Fire" merde), le talent de Patton le polymorphe(**). On peut parler des orgasmes de "The Girls Of Porn", des transitions et breaks ridicules, du genre-blending intensif, de la cohésion du groupe au cours de cette aventure à la Lewis Caroll. Cela est malheureusement un peu vain.

Car MR FUNGLE ne fait que reproduire le problème qu'il cherchait à résoudre. Désireux de dépeindre sans transiger son interprétation du mot fun, il crée ce-faisant un nouveau langage entièrement musical. Comme vous pouvez le constater en lisant les chroniques du groupe sur les internets, la traduction du FUNGLE vers le français est tout autant imparfaite que la traduction français-anglais. En revanche apprendre le FUNGLE est beaucoup plus simple que d'apprendre toutes les nuances de l'anglais, il suffit d'écouter une demi-douzaine de fois le disque : gain de temps considérable.

Allez, hop, hop, hop, l'amour de FUNGLE est un poing qui me serre le macaroni et je ne veux voire personne sans le feu au cul. C'est un disque à connaître.

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(*)Que je déformerais ainsi pendant tout le reste de la chronique que vous le vouliez ou non.
(**) J'en profite pour vous recommander le pas-du-tout-métal "Music To Make Love To Your Old Lady By" de LOVAGE sur lequel il pousse la chansonnette, groupe que j'aurais théoriquement le droit de chroniquer ici à cause de sa participation et même que ça me ferait beaucoup rire d'avoir ça sur un site de Metal. Allez les admins siouplait dites oui.