"Loss" avait été pour moi une révélation. Grand fan de Black Atmo « forestier », « naturaliste », j'ai été conquis par ces odes violentes et vaporeuses, musclées et très organiques, par ce monde si paradisiaque, en apparence, que nous dépeignent les Anglais. Allaient-ils remettre le couvert de la même façon avec "Curse", poursuivre en quintette leur avancée dans cette forêt de riffs et de mélodies si magnifiques au clavier, allaient-ils pousser plus loin cette invitation à planer comme un corbeau vers le soleil couchant ?

Musicalement, on nage toujours autant dans les atmosphères mirifiques, guerrières, parfois à la limite du Black dépressif, mais avec une petite lueur de bougie pour ne pas trop effrayer. On est encore dans la pénombre, mais peut-être un peu plus que sur "Loss". "Curse" est plus sombre, inquiétant et violent ; le crépuscule sur la pochette du méfait précédent laisse sa place au temps mauvais du soir, à l'orage, même si on retrouve encore ces cordes sèches et ce synthé nous attirant vers quelques abris vaguement folks. Ces derniers donnent un répit au voyageur avant que celui-ci reparte braver les assauts d'une Dame Nature au cœur noir se délectant des intempéries et des batailles. La "curse", c'est un peu ça aussi… Celle qui emplit l'âme d'un WINTERFYLLETH et qui ressort ici en cascades de fiel de la bouche du nouveau chanteur.

Si WODENSTHRONE a noirci son vol sur ce deuxième skeud, il est toujours aussi poétique dans sa colère avec sa cuirasse épique et fantomatique. Vous ne pourrez demeurer de glace devant des pièces comme "First Light", "The Great Darkness" (putain, cette descente de manche !), la longue et martiale "Battlelines" le tank qu'est "Wyrgþu" ou la clôture poignante "The Name Of The Wind", qui envoient non seulement du bois mais transpercent souvent le cœur d'une flèche. Pas plus que vous ne ressortirez indemnes de la folle et furieuse "The Storm", une de mes préférées en Black toutes catégories. La première partie du morceau gave déjà, alors on ne s'attend sûrement pas à l'autre moitié, qui s'avère encore plus dingue ! Du grand art de la part des Anglais, des frissons chaque fois qu'elle déboule dans le lecteur. Une raison de peser sur « rejouer » dès que la platine s'immobilise.

"Curse" a droit à une tonne d'éloges parce qu'il passionne du début à la fin. Cette constance durant 66 minutes est juste impressionnante ! Dire que certains crient à la fin des haricots en n'ayant pas écouté d'albums de la sorte est triste… WODENSTHRONE réussit également à agglomérer les ingrédients parfaits d'un Black universel qui devrait, à mon sens, plaire à tous les fans. Mieux, sa production est imparfaite sans grésiller ou nous faire perdre une seule note, ce qui n'est pas négligeable. Bref, le travail aux manettes égale celui des zicos et bien que certains puissent prétendre qu'il manque de relief, je crois que l'écorce colle parfaitement à ce grand chêne.

Plus direct un brin (malgré sa longueur) que "Loss", aussi lyrique et mélodieux, plus belliqueux et surprenant dans sa folie, "Curse" est un incontournable pour tout fan de Black Atmo qui aime se servir de ses sabots. Un équilibre parfait entre Atmo tendance Pagan et Atmo véloce et mélodique, un Black d'une grande profondeur qui ne pouvait qu'émaner des grandes plaines sanglantes gorgées d'histoire d'Angleterre.

Note : 4,5/5, car juste pour "The Storm", cet album commençait à 3. Osez ne pas plier le genou devant une telle déferlante et headbanguez à volonté !