Qu’il est difficile de parler de ce disque ! Déjà, je passe après Fenryl qui a tout dit, de fort belle manière. Ensuite, parce que bien que constitué seulement de sept pièces, cet album/EP est un petit bijou, tout en sensibilité et mélancolie. Au point où il est devenu un jalon essentiel de la discographie de ce groupe magnifique que fut et qu’est toujours ALICE IN CHAINS. Un Mike en remplace peut-être un autre, Inez a pris la place de Starr qui a eu la mauvaise idée de faire une overdose, s’en sortir et se faire virer par le groupe, mais ça ne change pas grand-chose, sinon qu’Inez va apporter une patte un peu différente.

"Jar Of Flies", avec sa pochette que l’on croirait empruntée à une scénette innocente de campagne du Maine profond de Stephen King, est un disque emprunt d’une douce délicatesse, mais qui ne manque pas d’arguments. "Dirt" était un album de grande dépression, sombre et pesant tant il parvenait à prendre aux tripes, mais celui-ci parvient à lui tenir tête sans faire d’esbroufe. ALICE IN CHAINS s’écarte de la distorsion, joue plus sur la clarté de l’acoustique et Staley ne force en rien sa voix, mais il n’en demeure pas moins un puits sans fond d’émotions. "Rotten Apple" me file toujours le frisson dès qu’il s’empare du micro. Et pourtant, ça semble tellement simple !

Il n’y a pas de morceaux faibles ici. Ce serait triste, quand il n’y en a que sept. Mais bon sang, on ne peut que s’incliner devant le groupe parce qu’il tombe juste tout le temps. Il est impérial dans sa démarche, dans l’exécution et dans le rendu. Même le court instrumental "Whale & Wasp" n’est pas anecdotique, Cantrell y va doucement, il n’est pas dans la démonstration stérile. Il partage un moment, une douce mélancolie et cela fonctionne, parce que ça nous touche. "Jar Of Flies" ne fonctionne pas comme "Dirt". Dépouillé de sa distorsion, le groupe retrouve une humanité, des couleurs, même si le contenu continue de refléter la sensibilité de son chanteur.

Il n’est pas étonnant que deux extraits de cet EP soient joués deux ans plus tard sur l’immense "MTV Unplugged". Il est presque étonnant qu’il n’y en ait pas plus, en revanche. Parfois mal accueilli à sa sortie (je me souviens que la presse ne comprenait pas pourquoi AIC sortait un truc acoustique quand tout le monde voulait la suite de "Dirt"), "Jar Of Flies" est une merveille, un disque intemporel, qui est toujours aussi plaisant à écouter aujourd’hui qu’à sa sortie. Tellement doux, tellement émouvant et pourtant, je ne m’en suis jamais vraiment remis.