Si trois années s’écoulent entre "Bark At The Moon" et "The Ultimate Sin", c’est parce qu’Ozzy a fait un séjour en centre de désintoxication (et vu le bestiau, y avait du travail). Quand il en sort, il découvre les démos de Jake E. Lee qui le motivent à entrer en studio. Et il y a de quoi. Si "Bark At The Moon" avait révélé au monde ce guitariste, "The Ultimate Sin" va être la véritable vitrine de son talent. Ok, la pochette est spéciale, avec cet Ozzy monstrueux, espèce de démon de l’Enfer invoqué par la sorcière au premier plan, plus sexy que Carabosse. Elle a le mérite d’attirer l’œil et franchement, elle n’est pas pire que celle de "Diary Of A Madman". Quant à la production, qui est fluide et accentue l’aspect mélodique, elle est signée Ron Nevison, bien connu pour son travail avec UFO.

L’album commence tambour battant avec le title track, qui aura eu droit à un clip parodiant l’univers impitoyable de "Dallas", alors LE feuilleton incontournable. Imaginez Ozzy en J.R. Ewing mais avec la tronche de Benny Hill et vous êtes partis pour un bon fou-rire. Le titre en revanche est impeccable, digne des openers des opus précédents, Heavy et agressif. Le refrain est simple, mais il est efficace. Ce sera d’ailleurs une constante sur ce disque, presque tous les refrains seront facilement assimilables. Jake E. Lee place déjà la barre bien haut avec ce qui possède les atours d’un classique immédiat.

"The Ultimate Sin" est une combinaison astucieuse de Heavy Metal proche de celui des précédents albums et un feeling plus américain, sans pour autant perdre en dynamique (comme SCORPIONS et PRETTY MAIDS quelques années plus tard). Le point d’équilibre a été trouvé et ce disque s’écoute d’une traite, avec un plaisir non feint. Il évite soigneusement l’écueil de l’AOR et titre à balles réelles tout du long, alignant les perles comme ma fille quand elle fabrique un bracelet. Les assauts de Lee sont efficaces et bourrés de feeling (mon dieu, mais écoutez donc le solo de "Killer Of Giants" !), la section rythmique tabasse pas mal, elle est plus pertinente que sur "Bark At The Moon", plus incisive.

Il n’y a pas de titre réellement faible sur ce disque. Nous sommes un peu comme pour "Blizzard Of Ozz" : de grandes fulgurances ("The Ultimate Sin", "Secret Loser", "Never", "Killer Of Giants", "Shot In The Dark"…) et des titres plus conventionnels qui viennent les cimenter entre eux (comme "Thank God For The Bomb", que l’on distingue d’ailleurs en arrière plan sur la pochette. La bombe, pas Dieu ; "Fool Like You"…). "Shot In The Dark" fut à l’époque le plus gros succès d’Ozzy en single, mais le titre s’y prête bien faut dire. C’est simple, c’est une chanson Pop imaginée par un guitariste de Heavy Metal et le résultat est tout bonnement excellent.

Longtemps, Ozzy a dénigré ce disque. Il fut d’ailleurs le seul de la première période à ne pas avoir été réédité en 2002, ceux qui le désiraient en CD devaient chercher la version de 1995, avec la pochette réduite (et au gré d’une recherche, j’ai vu que quelqu’un vendait le CD d’origine 2000 euros. Merci la spéculation…). Il faut dire, l’histoire s’est assez mal terminée, vu que Jake E. Lee apprendra en 1987 qu’il est viré suite à un appel de Sharon. Le guitariste a alors balancé qu’il avait signé un contrat en 1983 pour ne pas être crédité sur "Bark At The Moon" bien qu’il avait écrit énormément de matériel.

Difficile de prédire à quoi aurait ressemblé la carrière d’Ozzy en solo si Jake E. Lee n’avait pas eu de ticket de sortie. Pour ma part, il demeure, avec Rhoads, le meilleur guitariste avec lequel Osbourne avait collaboré et, toujours selon moi, "The Ultimate Sin" est l’un des meilleurs albums du Madman, si ce n’est le meilleur (mais là, ça dépend de mon humeur) avec "Blizzard Of Ozz". Même "No More Tears" n’atteint pas ces sommets pour moi. En tout cas, rien ne laissait présager à ce moment-là la baisse de régime drastique constatée sur "No Rest For The Wicked".