À l'exception de son horrible pochette, réhabilitera-t-on un jour "Jugulator" ? Aujourd'hui, nul ne peut le dire mais ce qui est sûr, c'est que la réponse ne viendra pas de JUDAS PRIEST lui-même. Car depuis le retour de Rob Halford dans le groupe au début des années 2000, l'ère Tim Owens semble avoir été effacée des tablettes. À raison pour le très décevant "Demolition". Mais à tort pour le mésestimé premier album sans le Metal God au micro. Car, même si le PRIEST n'a pas fait nuit et brouillard sur ses onze ans sans Rob comme PANTERA l'a fait pour les quatre albums précédant sa réinvention Groove Metal, on n'a jamais le plaisir d'entendre ne serait-ce qu'un seul morceau de "Jugulator" sur scène. Alors qu'il compte plusieurs tueries à son actif.

PANTERA, d'ailleurs, parlons-en ! En patrons du Groove Metal, les Texans n'ont jamais eu dans leur catégorie un challenger capable de produire à la fois cette lourdeur adipeuse des riffs, cette approche du rythme si particulière et un chant varié et parfois virtuose comme celui de Phil Anselmo. Dans le genre, tous les vocalistes sont des beugleurs. Tous sauf Ripper Owens ! Auquel il faut tirer un grand coup de chapeau car si "Jugulator" reste un très bel album de Groove Metal à mon sens, c'est d'abord grâce à lui. Il faut l'entendre déployer toute l'amplitude de sa tessiture sur l'impitoyable morceau-titre et l'hyper accrocheur "Bullet Train" pour comprendre pourquoi certains le disent meilleur chanteur qu'Halford himself ! En ce qui me concerne, je n'irai jamais jusque là car, pour moi, il n'y a qu'un seul Metal God et c'est Rob.

Mais rendons à Tim ce qui est au Ripper : son inébranlable capacité à aller chercher des aigus improbables et à sortir de son coffre des graves solides. Sans oublier ces conquérants médiums, qu'il déploie à l'envi sur tout l'album. Ces capacités vocales offrent une dimension inespérée à cette excursion Groove/Thrash inattendue. Imaginer JUDAS PRIEST jouer downtuned et s'adapter à l'une des tendances du moment - le milieu des 90s - n'était peut-être pas une gageure, car le groupe a toujours ménagé son côté précurseur et un côté suiveur indéniable, mais s'inscrire dans ce style si peu mélodique n'était pas évident. Surtout pour des génies du riff et des twin guitars comme K.K. Downing et Glenn Tipton. Et pourtant, JUDAS PRIEST nous sort en 1997 l'un des disques de Groove Metal les plus captivants de l'histoire à mon sens !

"Jugulator" bénéficie de l'un des meilleurs équilibres agressivité/lourdeur/mélodie qui soient dans le genre, et tout le groupe est à créditer pour cela. Le duo Ian Hill/Scott Travis est parfaitement en place, puissant à souhait et offre une charpente d'acier aux soli de guitare tout-à-fait dans le ton et aux vocaux spectaculaires de Ripper. Seuls les riffs mémorables manquent un peu à l'appel mais les lignes de chant compensent à merveille, avec des refrains qui fonctionnent parfaitement. "Blood Stained", "Death Row", "Burn In Hell", "Abductors", les déjà cités "Jugulator" et "Bullet Train"... sans oublier cette merveille absolue qu'est "Cathedral Spires", morceau épique et intemporel parmi les meilleurs écrits par le groupe, et qui contribue à faire de "Jugulator" un album que l'on n'oublie pas. Ainsi qu'un disque que je peux écouter en boucle pendant des heures.