Comment exister sans Rob Halford ? Quand on fait partie de JUDAS PRIEST, on se pose forcément la question… Si "Jugulator" était carrément un nouveau départ, il a été entièrement préparé avant même que Tim Owens ne rejoigne ses quatre acolytes. Cette fois-ci, Ripper peut un peu plus s'exprimer, et ses vocaux n'en seront que meilleurs ; oui sur "Demolition" il ne va pas passer les deux tiers du temps à brailler ou forcer l'agressivité.

L'album représente aussi le retour d'une certaine mainmise de Glenn Tipton, qui a enfin sorti son album solo (avec un succès comparable à "Jugulator", je vous renvoie à la chronique de Dark Beagle pour une autopsie du désastre), et qui va produire le disque. Il va chercher à insuffler un soupçon de PRIEST classique dans la mixture résolument moderne des Anglais qui n'ont jamais sonné aussi américains.
Pour quel résultat ? Un album long, très long, perclus d'encore plus de défauts. En réalité il transpire l'état d'esprit profond du groupe, à savoir que JUDAS PRIEST sans le Metal God ce n'est plus vraiment JUDAS PRIEST, que "Jugulator" était un disque artistiquement nécessaire, mais qu'il est temps que les choses rentrent dans l'ordre. "Demolition" est tout ce que le "Resurrection" d'HALFORD n'est pas. Les titres tournent à vide, ça mouline du riff et de la rythmique. De ce point de vue le PRIEST ne faillit pas à sa réputation et sort toujours quelques riffs bien percutants… mais oubliables.

Une fois n'est pas coutume chez le PRIEST, quand le batteur se décide à co-écrire un morceau, il devient l'un des meilleurs de la galette. C'est le cas avec "Cyberface", qui entouré de la ballade "Lost And Found" et "Metal Messiah" finit l'album sur une bonne note. Mais le reste… Si je garde de la sympathie (au même titre que Richie Faulkner) pour "Hell Is Home", c'est un peu "faute de grives, on mange des merles", car ne nous leurrons pas, aucun de ces titres ne pourrait prétendre rivaliser avec les titres forts d'albums du groupe généralement considérés comme faibles ("Turbo", "Ram It Down" au hasard).

En début de millénaire, JUDAS PRIEST est perdu, essaie de surfer sur cette vague Groove Metal qui a amené le Heavy à se radicaliser, mais là où le premier FIGHT avait plutôt réussi son coup, toutes les tentatives ultérieures abordées par des membres de JUDAS PRIEST se sont soldées par un échec. En parangon du Heavy Metal triomphant des années 80, la décennie 90 aura été compliquée pour la légende anglaise, qui réapparaîtra transfigurée quatre ans plus tard.