Intrigué par la chronique d’"Apoptosis" par notre Prince des Ténèbres favori autant que par la proposition forcément malhonnête de Remissa le Destructeur, me voilà donc à écrire quelques mots sur ALLEGAEON et son précédent opus à la dénomination tarabiscotée : "Proponent For Sentience". J’avoue être allé m’auto-spoilé en parcourant nos pages obscures du web 0.2 et être tombé sur la bafouille de Méf, dans laquelle je me reconnais fatalement.

Permettez-moi donc de le citer avec déférence : "Hey toi, le jeune ou moins jeune (ndlr : ça, c'est moi) qui est incapable d'encadrer le Death Metôl Technique. Oui toi, qui trouve que ce sous-genre est l'équivalent d'une excroissance aux formes changeantes sur la face du Death Mélo, voire le visage de goule vaseuse du Death. Toi qui ne comprends pas pourquoi une musique si complexe peut être si lumineuse, colorée et progressive, et simultanément, si violente dans sa livraison. (...) Oui, toi qui refuse de voir et d'entendre, de toucher à la grâce, de savourer autre chose… ALLEGAEON est pour toi."

Autant dire du coup qu’ALLEGAEON est totalement pour moi, tant tout ce qui est qualifié de “technique” me file de l’urticaire. Je veux dire, dans ce cas-là, pourquoi affubler une recherche soutenue d’un qualificatif qui devrait relever d’un moyen, et non d’une finalité. La technique pour la technique, très peu pour moi. J’ai ainsi toujours profondément conchié les branleurs de manche à la Yngwie MALMSTEEN (paf, celle-ci est gratos, c’est ma tournée de baffes), qui en mettent plein les mirettes mais pas plein les feuilles. À force, ça m’en met surtout plein le cul. Bref, pardonnez-moi chers lecteurs pour cette (trop) longue introduction, mais il me semblait important de resituer le contexte. Donc, askip, ALLEGAEON est pour moi. Mouais… Soit, glissons donc la galette dans le mange-disque.

Il va sans dire que j’eus aimé nécessairement déverser sans retenue mon fiel réconfortant sur les grolles des Américains. Malheureusement, le professionnalisme qui m’est dû m’en préviendra : c’est ‘âchement bien branlé, ce truc. Incontestablement, les gars savent ce qu’ils font et maîtrisent leur art avec précision, mais c’est le moins que l’on puisse attendre d’un groupe de Tech (la mauvaise foi revient au galop). Au delà de ce froid constat, j’admet sans peine que "Proponent For Sentience" contient de réels moment de grâce, comme sur "Proponent For Sentience II - The Algorithm" et ses ponts chiadés, voire même classieux. "Of Mind And Matrix" est également une petite perle, qui saisit de la première à la dernière seconde. Certaines parties évoqueront ainsi la sophistication d’un vieux DARK TRANQUILLITY, dans l’enchaînement des rythmes et des harmonies, en mieux produit. Le chant de Riley Mcshane est varié et très efficace, tant dans ses growls profonds que des variantes plus screamées ou Black. On a même, tiens, des petits toffees de Fridén et d’IN FLAMES dans la gamelle. "All Hail Science" tabasse ainsi sa mémé en mode Deathcore pour le coup, je vois pourquoi mon Remissa s’entiche du bousin.

En revanche, désolé, mais il y en a trop pour moi. Trop de quoi ? Trop de tout, simplement : d’arrangements symphoniques à la Pif-gadget, de cœurs épico-héroiques, et de plans de guitares pas nécessairement utiles. L’ensemble s’avère de fait extrêmement chargé, saturant finalement l’efficacité des compositions en détournant artificiellement l’attention. Les mélodies se bouffent à l’occasion les unes les autres, donnant parfois l’impression d’une goulash sonore. Adepte du "less is more", je ne peux que je regretter cette propension à vouloir en coller plein la vue ("From Nothing", "Gray Matter Mechanics"), attisant ainsi ma méfiance quant à la capacité d’ALLEGAEON de concentrer son savoir-faire pour en tirer la quintessence efficiente, en témoigne la durée excessive de la galette (plus de 70 minutes, les gars, est-ce bien raisonnable ?)

Un bon disque du coup, qui possède son charme et beaucoup de qualités objectives, mais qui ne me réconciliera pas totalement avec un courant qui cherche trop souvent plus à épater la galerie qu’à transmettre de réelles émotions.