Quel intérêt à chroniquer en 2025 ce monument qu’est "Rust In Peace", à part souligner l’excellent jeu de mot de l’ami Mustaine sur ce coup, et plus globalement le cynisme exacerbé des paroles sur cet opus passé à la postérité ? "Military intelligence, two words combined that can't make sense" nous clame-t’il de sa voix geignarde sur "Hangar 18", un moment fort dans la construction métallique de votre humble serviteur.

Peu après la baffe "One", je me ramassais en effet le clip d'"Hangar 18" pleine tronche sur MTV, boutonneux adolescent que j’étais. Internet n’existait pas, et les opportunités de découvrir de nouveaux groupes passaient soit par un pote partageant ce type d’émois (spoiler : il n’y en avait pas des masses dans ma banlieue parisienne), soit par la presse spécialisée (ça coûtait cher un magazine pour un ado de quatorze ans), soit par l’honnie chaîne câblée et l’émission "Headbanger’s balls". C’est donc bouche bée que je découvrais la virtuosité et la hargne de Megadave et sa clique sur ce titre et sa vidéo complotico-machiavelique. Putain, on nous cache la vérité, j’en étais sûr ! Au delà de cela, je prenais une réelle "Vulgar Display Of Power" (comme on dit dans le milieu) dans la face à essayer de suivre le rythme des guitares leads, si rapides et mélodiques à la fois. Une flopée de notes harmonieuses balancées sans fin à la vitesse grand V, avec une facilité déconcertante par nos deux protagonistes à la six-cordes, le grand ordonnateur en chef ayant trouvé la brillante idée d’aller attraper par la chemise de bûcheron Marty Friedman pour se joindre à l’aventure. Quelle claque, mes aïeux !

Puis je découvrais l’album entier, "Rust In Peace", et ma foi, force était de constater que ce n’était même pas le meilleur morceau, et de loin. Le break après l’intro d’"Holy Wars" figure aujourd’hui encore tout en haut de mon panthéon personnel en la matière. Je peux le ré-écouter et essayer de le décortiquer mille fois, il me fera toujours le même effet dans le slip. Mais pour envoyer la purée, il me faut attendre "Tornado Of Souls", qui pour le coup place sans discussion possible son solo au sommet de ma montagne sacrée des soli. Véloce, harmonieux, sensible, émouvant, intégré parfaitement à la chanson, il n’a pas d’équivalent pour moi. L’époque à laquelle j’ai découvert ce titre nuit sans doute à mon objectivité, mais dans un monde où les fake news deviennent vérité, je m’en tamponne un peu. Le résultat est là, et ces trois pistes sont gravées en moi pour l’éternité.

Alors bien sûr, le reste de la galette n’atteint pas ce niveau - ça serait indécent sinon - mais demeure d'excellente facture. Il souffre simplement de la comparaison avec des mythes, mais pris à part, il mériterait ses quatre étoiles à l’aise, blaise. Faites l’exercice d’écouter les autres morceaux séparément de leurs glorieux comparses, et vous saisirez ce que je veux dire. Je reviens après.

(...)

Je comprends également l’honorable Beagle, qui trouve l’album trop propre. C’est vrai, et je ne lui en veux pas d'apprécier la crasse, j’en suis moi-même assez fan, mais il faut savoir priser la perfection lorsqu’elle se trouve entre vos feuilles pour fournir un référent et mieux se délecter encore de ceux qui la saliront volontairement.
"Rust In Peace" a été, est, et restera l’un de mes albums de chevet, pour toujours.