Battre le fer tant qu’il est chaud. Souvent nous avons vu des groupes pratiquer cet adage après avoir sorti un album destiné à devenir un classique suite au succès critique et commercial et certains n’ont pas réussi à enfoncer le clou. Parce qu’une autre expression parle de mettre la charrue avant les bœufs, pour évoquer la précipitation. "State Of Euphoria" pourrait très bien l’illustrer tant ANTHRAX donne l’impression de se prendre les pieds dans le tapis.


Le risque premier était que "State Of Euphoria" soit une copie carbone d’"Among The Living". Ce n’est pas le cas, l’opus de 1987 se veut plus virulent que le cru de 1988. Et la production est grandement à la peine ici. Le disque sonne donc différemment que son prédécesseur, même si on reconnait tout de suite la signature du groupe avec cette section rythmique solide et le riffing de Scott Ian (certains diront et les bêlements de Bellodonna et la vacuité de Spitz).

En revanche, tout n’est pas à jeter sur "State Of Euphoria", à commencer par son ouverture, le génialissime "Be All, End All", qui est l’un des meilleurs morceaux de l’ère Belladonna, rien que ça ! On se fait cueillir par une mélodie lourde, mélancolique, au violoncelle et le groupe déboule derrière de bien belle façon, avec une fougue et une hargne que l’on ne retrouvera pas vraiment sur le reste de l’album, à une exception.

Celle-ci est bien entendu la reprise d’"Antisocial" de TRUST, qui sonne plutôt bien et qui apporte une couleur Rock’N’Roll au disque, un moment où ANTHRAX va sortir du chemin balisé qu’il s’est tracé pour "State Of Euphoria". Et pour nous autres, frenchies, ce titre possède une aura particulière, même si, pas fous, les New Yorkais se sont basés sur la version anglaise du titre. Ceux qui ont participé aux Monsters Of Rock de Paris en 1988 doivent encore se souvenir de Bernie Bonvoisin qui montait sur scène pour chanter ce titre en compagnie de Belladonna.

Le reste est déjà plus délicat à appréhender. "Make Me Laugh" est tout simplement insupportable avec des lignes vocales assez dégueulasses, que ce soit sur les couplets ou le refrain, "Schism" tourne en rond, "Misery Loves Company" retente le coup Stephen King, mais sans arriver à retrouver la tension des deux compos lui faisant référence d’"Among The Living" (et ici, le refrain n’arrange rien, presque trop sautillant pour le sujet).


Pour la première fois, ANTHRAX se rate. Sans être catastrophique, "State Of Euphoria" se veut moribond, trop figé dans un style qui a atteint ses limites ici. Mais il en faudra plus pour abattre la bête, qui relèvera fièrement la tête sur l’opus suivant, le parfois mésestimé mais solide "Persistence Of Time".