Il faut reconnaître un certain courage à Joe Lynn Turner. Enlever la perruque, renouveler son style musical, aller de l'avant, vraiment ce n'est pas donné à tout le monde surtout à plus de 70 ans. Bon voilà, c'est fait pour les félicitations.

En fait, Joe Lynn a littéralement pété un câble. Se montrant désormais parfois dédaigneux envers son ancien style AOR (bien que l'on puisse aisément présumer que ses attaques concernent surtout ses albums conçus avec Frontiers Records, coucou SUNSTORM), Joe Lynn a voulu "moderniser" son image en s'acoquinant avec Tägtgren, ce qui donne tout de même un résultat quelque peu étrange. Vous rêviez d'un nouvel album de RAINBOW mais avec la production et les murs de guitares de SABATON et d'HYPOCRISY ? Joe Lynn l'a fait ! "Belly Of The Beast" vous tend les bras.

Le title track est assez édifiant : grosse intro martiale made in Tägtgren, lignes de chant sur les couplets totalement RAINBOWesque soutenu par des riffs de guitares à la Ritchie Blackmore avec la note bourdon qui va bien, refrain solennel en chœurs très très Power Metal, retour dans l'univers de Tägtgren sur le break avec dans le fond des sonorités façon film de SF des années 50, solo quasi Blackmorien... Le parfait mélange ? A vous de voir. Globalement ça fonctionne plutôt bien, Joe Lynn Turner ne force pas trop sur sa voix (à mon sens, il aurait dû se montrer un peu plus agressif, ce qu'il est capable de faire), néanmoins il est impossible de vraiment faire fi de l'étrangeté de la chose.

Tout le reste de cet album est plus ou moins dans la même veine, ce mélange de RAINBOW, de Power Metal du XXIème siècle et quelques éléments plus extrêmes que l'on doit au producteur/guitariste. Pour autant peut-on vraiment parler d'un coup de maitre ? C'est un album surprenant par rapport à ce chanteur, mais qui arrive cependant un peu tard. Je ne dirais pas que Tägtgren est un has been mais on n'est plus dans les années 2000, son heure de gloire est passée et son style s'est banalisé. On notera quand même que le Peter a fourni un travail de composition très sérieux.

Car finalement, c'est bien le chant de Turner qui me dérange parfois le plus sur cet album. Si ça fonctionne bien sur un "Tortured Soul" impressionnant, l'alchimie voulue entre des gros chœurs dignes de SABATON se superposant à sa voix plus classique relève parfois plus du vœux pieu que de la réalité, et on en revient donc toujours à ce sentiment d'étrangeté et de bizarrerie. Plus le fait que toutes les compositions ne sont pas non plus extraordinaires (l'album démarre très bien, mais se fait ensuite plus aléatoire dans la qualité, la ballade "Dark Night Of The Soul" ne me convainc pas, le final "Requiem" trop mièvre et précédé par des titres moins mémorables), et la "sombritude" de l'ensemble peut rendre l'écoute un peu pesante.

Ah et sinon, vous pouvez vous pencher sur les paroles si vous voulez. L'homme paraît parfois quelque peu en colère, très concerné par le monde qui l'entoure. "Rise Up" est un appel à l’insurrection qui trouve sans peine écho chez les assaillants du Capitole ou de Brasília... Joe Lynn assumant par ailleurs totalement son complotisme. Pourquoi pas, c'est à la mode après tout donc il trouvera forcément des oreilles réceptives à son discours. On comprend mieux pourquoi il s'est associé avec un producteur/musicien fan de petits hommes verts et qui pense que Bill Gates veut dépeupler la planète. Ces deux-là étaient faits pour travailler ensemble.

Bref, un bon album, mais plus QAnon que réellement canon.