C’est par un alignement d’astres assez singulier -la kroX à contre-emploi réalisée par notre érudit Fredian, à qui je n’ai vraiment pas fait de cadeau, et un visionnage (tardif) d’Oppenheimer- que je m’engage à mon tour dans cette succincte analyse dédiée à "Antithesis".

Quel rapport, me demanderez-vous, entre le film de Nolan et les furieux d’ORIGIN ? Une citation, rien de moins qu’un fragment qui a changé la face du monde :

"Now I am become Death,
The destroyer of worlds" - "Antithesis"

Ces mots reprennent la traduction, volontairement approximative, d’Oppenheimer, qui avait adapté lui-même un extrait de la Bhagavad-Gita en sanskrit. Ce passage, symbole de son tourment intérieur, illustre son rôle dans la création d’une arme apocalyptique, la bombe atomique, écho direct au rôle de Vishnu, dieu du Temps, qui par le biais de son action conduit inexorablement l’Humanité vers son destin, aussi funeste et autodestructeur soit-il.

Cette métaphore, d’une puissance phénoménale, n’est aucunement usurpée par le quintet Américain, car "Antithesis" incarne un élan de rage, de violence, et de haine primaire au travers d’une technicité inouïe. Point de breakdowns gratuits pour saler l’addition, pas plus que d’artifices ou de pirouettes de mixage qui viendraient faciliter l’efficacité de la déferlante que nous subissons. Ici, tout est organique : le potard de gain poussé sur 14, aucune compression, du sweep picking en veux-tu en voilà, et l’affaire est réglée. Ça crachouille de saturation dans tous les sens, et pourtant, nos tympans, maltraités mais consentants, en redemandent. Car lorsqu’on lance "Antithesis", on sait à quoi s’attendre. Ça, ou si vous voulez hériter par anticipation de la maison de vacances de mamie…

En effet, avant que je ne m'aguerrisse et m’enfonce dans les méandres du Brutal Death, ce quatrième opus d’ORIGIN avait sur moi un effet à la fois irritant et enivrant, tel un catalyseur de frissons et de fureur. Et croyez-moi, il en serait de même pour quiconque, même pour les plus tranquilles ou placides d’entre-vous. Les morceaux, tous absurdement intenses et crus, s'enchaînent sans aucune discontinuité, et nous boxent dans les coins du ring tandis que l'arbitre, soudoyé, feint de ne pas voir les coups à l'occiput. Bordel, même les trente-neuf secondes du pont "Void" sont angoissantes.

Paul Ryan est magistral au scream, évoluant dans un registre plutôt grave, mais sachant monter dans un chant presque Black pour propulser la folie aux extrêmes sur le titre éponyme, et est secondé par des sweepings bruts de fonderie et shreddés en bout d’arpège, pour ne laisser aucun battement de répit, la batterie récupérant les quelques miettes de vide laissées en pâture. La moindre microseconde est occupée par cette animosité viscérale, pulvérisant chaque atome sur son passage. Peu importe si l’album manque de mélodie : "Antithesis" est percutant, et il a permis à ORIGIN de repousser les limites du Metal extrême en 2008. Une œuvre aussi grisante que glaçante pour les simples mortels qui la subissent - ou l’admirent.

Robert, si tu nous écoutes…

Morceaux préférés : "Antithesis", "The Aftermath", "The Beyond Within".