Avec « Mesmerize », les mecs de SOAD ont inventé le Néo Metal « instantané soluble ». Pas besoin de 36 écoutes attentives pour retenir quelque chose, « Mesmerize » venait se coller irrémédiablement dans votre cerveau : chaque chanson de cet album était magiquement « immédiate ». Tout dans « Mesmerize » était tubesque, lisse, pensé à la micro seconde près. Une sorte de travail d’orfèvre Hollywoodien. De ce fait, il était particulièrement périlleux de succéder à un tel album.

Comment les mecs de SOAD allaient-ils gérer cette recette « magique » ? Copier / coller les ingrédients du succès ou au contraire prendre des risques insensés ? C’est donc avec l’esprit plein de doutes et de curiosité que je me suis jeté sur cette suite attendue au tournant.

Disons le tout de go : si « Mesmerize » était immédiat, « Hypnotize » est déroutant. Le second volet est en effet plus inégal, plus fouillé, moins accessible, moins accrocheur et surtout étonnant. Ce n’est pas du tout la même bête. Contrairement à son prédécesseur, « Hypnotize » va vous demander une certaine attention et un brin de persévérance. Ce second volet se veut en effet moins « digeste » - en ce sens il est moins réussi – et si l’on retrouve ce coté « foisonnant », tout porte à croire que la source d’inspiration a sérieusement commencé à se tarir au profit de compos plus éclectiques et du coup moins efficaces.

Dès lors, chroniquer « Hypnotize » tient de la gageure (la tentation est grande d’ailleurs de ne pas céder pour une fois aux « tracks by tracks »), car chaque morceau de la galette a en effet ses propres qualités, ses écueils et mériterait presque sa propre diatribe. On retrouve donc dans « Hypnotize » tous les éléments qui ont fait le succès et la qualité de « Mesmerize » : ce petit brin de folie (visible sur « Kill Rock n’ Roll »), cet indéniable sens du tube avec juste ce qu’il faut d’accrocheur (Cf. morceau éponyme), cette fameuse alternance de mélodies et d’agressivité (réussie sur « Dreaming », plutôt ratée sur « Stealing Society ») et bien évidemment ces fameuses ballades tantôt rageuse, tantôt tristouilles avec ces refrains si bien trouvés (« Tentative » ou cette belle conclusion qu’est « Soldier Side » - qui vient d’ailleurs boucler l’intro de « Mesmerize »)… Tout cela donc, mais en moins bien car moins inspiré et sans l’effet de surprise.

Mais cette recette SOAD est tellement bien calibrée, si « universelle » qu’on se retrouve presque forcé à aimer. Cette science du tube presque agaçante m’a fait accrocher par exemple à des titres moyens comme « Lonely Day » (que je trouve belle à pleurer) ou encore « Tentative ». Il y a bien sur quelques ratés, quelques titres qui sans être totalement mauvais sont nettement inférieurs ; citons la sans surprise « U-Fig » et les deux suites poussives que sont « Vicinity of Obscenity » et « She’s like Heroin », séquelles en moins bien de « Violent pornography » et de « Cocaine make me feel… ». Et c’est précisément pour cette raison qu’ « Hypnotize » semble inférieur à son prédécesseur : on est presque surpris de ne pas aimer immédiatement tous les titres de la galette. Dès lors, on peut se poser la question du bien fondé d’un tel album qui donne l’impression d’éclabousser son prédécesseur plus qu’autre chose. Ce qui finalement me gêne le plus.

Cela fait-il pour autant d’ « Hypnotize » un mauvais album ? Sincèrement, je ne le pense pas. Car si « Hypnotize » semble moins inspiré et moins évident, il n’en demeure pas moins que la galette contient des titres excellents ( citons la perle de l’album : « Holy Mountains »), ou construits de telle sorte que leur subtilité ne vous sautera pas au visage de suite - sans pour autant que ceux-ci soient absolument dénués de qualités.

Reste la démarche hautement contestable qui sent le mercantilisme à plein nez. Et quand l’idée vous effleure qu’avec « Hypnotize » vous êtes gentiment en train de vous faire enfiler (avec de la vaseline parfumée attention) ; je ne peux m’empêcher d’imaginer ces quatre coyotes en train de se prélasser au bord de leur piscine. Business business quand tu nous tiens. Woah le cliché…

Verdict : 3,5/5


Morceau préféré du Canard : Holy Mountains.
Chanson nulle que j’aime bien quand même : Lonely Day
Morceaux presque insupportables : (la doublette) « Vicinity of Obscenity » & « She’s like Heroin »