C'est dingue comme le temps passe lentement quand on a la chance de défricher le Merveilleux monde du Metal(*). On n'est qu'au début octobre et j'ai déjà assez de souvenirs de cette année 2009 pour écrire un livre. C'est vrai ! Pensez-y une minute, que vous soyez détraqué métallique comme moi ou amateur occasionnel n'étant attiré que par les grosses sorties : une année en Metal, c'est une éternité. Le nombre de disques qui sortent est astronomique, ça foisonne comme le sable dans le désert ou le mauvais goût dans les critiques de Metal à chanteuse. Les groupes poussent comme des champignons, de sorte qu'on ne sait plus où donner de la tête. Et il s'en trouve encore pour se plaindre ! Moi, je saute à pieds joints dans cette mare impressionnante qui nous est offerte, en songeant avec un enthousiasme enfantin que ce sera à recommencer l'an prochain, surtout en cette ère internet où tout musicien doué à la possibilité de se faire connaître. N'en déplaise aux petits coquins à oeillères qui crachent sur le partage musical gratuit qui mène, immanquablement, à des profits pour l'artiste autrefois inconnu n'ayant aucun moyen de se faire entendre. Donc, quand je regarde cette année qui s'achève, quand je cogite avec le peu de recul dont je dispose aux trucs hétéroclites que j'ai entendus et que je fais le tri, de multiples conclusions me sautent à l'esprit.

1.D'la merde cet album.
2.Du bon stock cet opus !
3.Wow, d'la bombe ce skeud !

Le dernier SECRETS OF THE MOON porte son nom à merveille et se retrouve dans la troisième famille exclamatoire ; l'écouter est un privilège tellement il est bon. Tellement il surprend. Il rend si euphorique depuis sa sortie il y a quelques semaines, que certains comiques parmi nos collègues internationaux le classent dans une douteuse catégorie qui n'est pas du Black : le Dooth Metal. Instinctivement, vous songerez à un mix de Doom et de Death, et après avoir traversé ce long marais de riffs cinglants et d'atmosphères assourdissantes et bienfaitrices, vous conclurez sûrement que les styles pratiqués par les Allemands sont du Black de prime abord, doublé de Doom et de Death.

Il y a un certain temps, quand on ne savait pas comment qualifier une musique ténébreuse aux multiples racines, on la baptisait Dark Metal. Alors qu'ici, le Black est de rigueur, par la voix et l'oxygène putréfié qu'on y respire, sauf que le groupe aime étirer la sauce comme en Doom pour foutre encore plus les jetons, en appuyant sur les graves afin de dépeindre la puanteur d'une porcherie (Death). Quelle époque ! On se retrouve donc dans une ruelle en cul-de-sac en n'ayant d'autre choix que d'abdiquer devant ce Dooth étranger nous menaçant de sa lame et de croquer dans le fruit ébène défendu sur la pochette… Car bon, le Black a-t-il encore vraiment une place définie chez SECRETS OF THE MOON, sinon celle de nimbus gorgés de larmes patrouillant au gré des humeurs du combo ?

Si on oublie un tel emmêlement au niveau des styles, "Privilegivm" est un album « confortable », merveilleusement produit. Un gros coussin de mélasse, une guimauve noire dans laquelle on mord durant 65 minutes bien tassées, on s'étend jusqu'à presque s'endormir. Ça, c'est un problème et ça chasse les cinq étoiles du portrait. Plus d'une heure de boulimie égoïste (hum, belle formulation que je n'emploierai plus) à se délecter d'un disque de malade au climat infecte, mais d'une propreté nickel. La maîtrise parfaite d'un talent incommensurable exhibé sur trois albums géniaux auparavant, un talent qui atteint ici sa maturité, le sommet de la montagne. Qui joue davantage dans les nuances, un successeur digne mais « illogique » à "Antithesis", aussi sombre et obèse. Enfin, si on s'attendait à une accélération et non à un ralentissement des vagues... Les relents « progressifs » remarqués en 2006 sont émulsionnés au Doom pour enfin donner une personnalité à ces passages particulièrement placides.

"Privilegivm" est un disque complet : du gras, du rare mince tirant sur le ravissant ("Shepherd"), du malodorant parfum cadavérique ("Queen Among Rats"), du groove immense ("I Maldoror"), du Black/Doom sans trop de Death qui arrache la tapisserie des murs, ressemblant étrangement dans sa finition aux derniers efforts de CELTIC FROST et SATYRICON ("For They Know Not" est une fusion parfaite des deux). De lentes et ardues marches dans de la boue (merci à la batterie et son tempo de zombie) s'infiltrant dans chacun des pores comme un cancer aqueux, un échantillon de mal-être qu'on apprend à utiliser à bon escient afin de profiter du high gratuit qu'il nous procure. Voilà pourquoi il est confortable et complet : il met dans un état paisible et rassasie toutes les langues, empoisonnées ou non.

La tuerie débute avec une volée de "Sulphur" dans les yeux et les oreilles, une tempête amenée par un riff intouchable et brûlant qui vous mettra des baffes aux bons endroits. Merde que ça envoie, c'est g-é-a-n-t ! Comme cette intro à la batterie qui vous fera penser à un tube de MEGADETH sur la colossale "Harvest", divisée en trois parties pour 13 minutes de descente dans les abimes de la souffrance. Seul hic, je ne l'aurais pas placée en plein milieu… mais ça, c'est juste mon avis.

Après maintes écoutes et avoir mangé des morceaux de pain ranci jusqu'à l'écoeurement tels que "Black Halo", le terme Dooth vous reviendra probablement plus facilement. Et vous comprendrez que le Black espéré du départ, censé être primaire, était en fait secondaire. Certes, il campe un rôle de soutien omniprésent, il teinte chaque jab, chaque déversement de pétrole en ébullition sur les tympans. Mais il n'est pas la tête d'affiche, il s'éclipse devant la nouvelle génération de Metal suffocant bien plus dégourdi que du Black dépressif escargot, du Drone éléphantesque ou du Stoner shooté à la came chimique.

Mesdames et messieurs, le Dooth est roi, vive le Dooth ! Et vive surtout SECRETS OF THE MOON !

(*)Je songe sincèrement à faire breveter ce titre fantastique sans que Disney hurle à la fraude.