"Low" aura été le disque d’une résurrection magnifique, "Demonic" aura provoqué bon nombre de questionnements tant il se montrait jusqu’au-boutiste. "The Gathering" représente l’apothéose d’un groupe qui aura réuni un line-up de malade pour réaliser ce qui peut apparaître comme étant la pierre angulaire de leur faconde discographie. Imaginez, d’un côté, vous avez les deux rescapés du line-up du premier album, Chuck Billy au chant et Eric Peterson à la guitare rythmique. Et ça tombe bien que Peterson soit là, il est l’un des garants du son TESTAMENT, celui qui arrive toujours à ramener des sonorités qui font que le groupe est immédiatement identifiable. A la lead, nous notons non pas le retour d’Alex Skolnick, mais celui de James Murphy, qui aura contribué à rendre "Low" tout simplement culte. Quant à la section rythmique, elle est assurée par Steve DiGiorgio (DEATH, SADUS, CONTROL DENIED…) pour la basse et par Dave Lombardo (SLAYER, GRIP INC…) à la batterie. Avec une telle équipe, difficile de se planter. Et TESTAMENT ne se plantera pas.

Comme on ne change pas une équipe qui gagne, Dave McKean rempile également pour une troisième pochette, la plus effroyable de toutes, faite de symétries et de variations répugnantes, des jeux de miroirs et des tons rouges qui viennent bien souligner le caractère infernal de l’affaire. Avant de poser le disque sur la platine, TESTAMENT nous met au supplice avec une de ses jaquettes les plus marquantes. Elle est une promesse, celle de se faire malmener sans la moindre retenue par des musiciens qui ne vont pas se gêner pour le faire. Après 42 minutes d’écoutes, deux constats sont à faire. Premièrement, TESTAMENT nous en a mis plein la gueule et deuxièmement, ça fait du bien de se prendre une telle dérouillée.

Les morceaux sont ici très compacts, ramassés sur eux-mêmes. La sobriété est de mise au niveau des soli, très courts et c’est parfait : l’intensité des morceaux ne baisse jamais ainsi, les coups s’enchaînent sans temps morts. C’est de l’agression en continu ; la rythmique est intransigeante, Lombardo en met de partout sans que ce soit du bourrinage. Il remplit l’espace sonore, il en fait beaucoup, jamais trop, il possède une science du break qui fait merveille ici. Chacun s’y raccroche et le Thrash de TESTAMENT sonne très juste. Brutal, certes, mais pas que. Nous reconnaissons certaines mélodies typiques du groupe, qui sait également sortir du carcan de la violence pour proposer des choses plus abordables à première vue, mais d’une noirceur qui nous éclabousse ("Eyes Of Wrath", géniale au demeurant).

L’autre point fort de cet album, c’est, une fois n’est pas coutume, Chuck Billy. S’il a pu déranger sur "Demonic" à se montrer aussi extrême dans l’approche de son chant, il va réunir le meilleur des deux mondes ici. On retrouve sa voix typique, celle des albums de TESTAMENT que l’on connait le mieux, ainsi que ses growls, toujours aussi caverneux et convaincants. Il ne fait pas semblant et il est certainement l’un des meilleurs chanteurs dans le style en activité. A dire vrai, TESTAMENT doit certainement une partie de sa longévité à sa voix, assez modulable, qui a un effet caméléon selon la teneur de l’album. Il est toujours présent dans les plus mauvais coups, ceux qui sont là pour nous esquinter les cervicales par exemple.

Que pouvons-nous reprocher à ce disque ? Quelque part, les points forts peuvent devenir les points faibles en fonction de ce que l’on attend d’un disque de TESTAMENT. Ici, l’intensité est telle que l’atmosphère devient rapidement confinée, "The Gathering" apparaît comme une masse compacte, un morceau de plomb informe. Peut-être parce que l’album, nécessite un peu de temps pour être entièrement assimilé et que son effet bulldozer peut être un repoussoir pour certains. Ici, le groupe est vénéneux, sordide, froid et réellement méchant et livre une prestation de haut vol, un sommet dans leur carrière quand, au début de la décennie, certain donnait la formation comme morte. Si ça ce n’est pas un beau bras d’honneur…

En définitive, "The Gathering" est le genre d’album qui ne laisse pas indifférent. Il possède encore aujourd’hui une aura destructrice, une puissance rare, que TESTAMENT ne retrouvera pas vraiment, malgré de belles prestations. Il y a quelque chose dans ce disque de définitif. L’apogée d’une carrière en dents de scie. Et quitte à passer pour un amateur du groupe en carton, j’admets qu’il figure parmi mes favoris et ce, malgré l’absence de Skolnick. Comme "Low". Ah ouais, je suis peut-être vraiment un false après tout…