Qui reste-t-il du line-up initial ? Daniele Carbonera, Luca Turilli et Fabio Lione s’en sont allés, respectivement par inaptitude, melonitude et lassitude ; Alex Staropoli ne tient-il pas là son projet solo aussi souvent promis qu’ajourné ?
Non, car le claviériste bodybuildé aime à s’entourer de musiciens créatifs plutôt que de faire-valoir, refuse le monopole du leadership. Ainsi a-t-il partagé la composition de "Into The Legend" et de son prédécesseur, notamment avec son frère. Ainsi aussi, n’a-t-il pas rechigné à accueillir à la place de Fabio Lione l’un des "people" du moment, finaliste de The Voice Italie et, de fait, frontman médiatiquement écrasant.
Des choix en adéquation avec l’image humble et effacée laissée par Staropoli ; l’homme n’aurait pu soutenir à lui-seul le poids médiatique et artistique de la tâche. Il en a eu conscience et il faut souligner sa clairvoyance.

Alors pourquoi ce "Legendary Years" ? Alex en est-il l’instigateur ou s’est-il plié aux exigences d’AFM ? La démarche s’avère en tout cas indéfendable.
Quel apport à vouloir remplacer dans les mémoires le chant de Lione, acteur dans un rôle aussi déterminant au succès du groupe que les deux compositeurs historiques, par un autre, aussi légitime soit-il ?
Cet album est nuisible.
Je me suis penché dessus par curiosité, appréciant aux premières rotations cette succession ininterrompue de titres forts, m’abandonnant à une nostalgie cotonneuse.
Mais je me suis volontairement efforcé d’en limiter les écoutes. Car insister aurait jeté le trouble. Dix écoutes de plus et la voix de Giacomo Voli aurait fait force de loi. Dix écoutes supplémentaires et ce sont les titres originaux qui auraient risqué de sembler de pâles copies de ceux-ci.
Un rejet salutaire, préservation de ma propre histoire. Le RHAPSODY de la fin des années 90 m’a façonné, d’autres groupes avec lui, quel intérêt d’en corrompre la mémoire ?

On ne peut juger ni la musique, ni la production, ni la qualité des musiciens. Ceux-ci ne font que reproduire à la note près (à part, à de rares occasions, quelques libertés dans les intonations ou les arrangements) des titres dont on a déjà dit ici le plus grand bien.

Je comprends la volonté de RHAPSODY d’imposer rapidement son nouveau vocaliste. Pas la manière d’arriver à ses fins, artistiquement criminelle.
Plutôt qu’opérer une transition mesurée, RHAPSODY a voulu dissimuler Fabio sous le tapis.
Encore une péripétie marketing contestable parmi toutes celles consenties par les italiens. Au même niveau que le changement de nom, le procès contre Magic Circle, le recrutement puis l’éviction de Tom Hess dont on n’a jamais compris ce qu’il venait foutre là, le batteur Thunderforce sur "Power Of The Dragonflame" crédité sous un pseudonyme pour d’obscures histoires de droits et enfin le split amiable suivi quelques années plus tard à peine par une reformation live (sans Staropoli).

"Legendary Years" n’aura que ce mérite, rappeler que "Legendary Tales" et "Symphony Of Enchanted Lands" s’inscrivent comme des éléments fondateurs du revival Heavy né en Europe à la fin des années 90.
Il n’était pas besoin de débourser 20 euros pour cela. Quelques clics sur NIME suffisaient.