En réécoutant cet album devenu légendaire de la scène polonaise dont il constitue une des toutes premières mauvaises graines, il n’est pas difficile de se sentir happé en ces temps passés où le Black Metal se construisait à grands renforts d’extrémisme plus ou moins notoires. Lorsque l’on connait le line-up de INFERNUM, et notamment le concours certain qu’auront Capricornus et Rob Darken au sein de GRAVELAND à l’essor du NSBM, nous pourrions barrer la route à cet album, pourtant il n’évoque rien de nazi – en tous cas de prime abord -, et est surtout la chose de son leader suicidé depuis déjà plus de vingt ans : Anextiomarus.

D’ailleurs un peu avant son suicide Anextiomarus – qui n’était pas franchement quelqu’un de recommandable non plus - avait entamé un périple en terre scandinave pour faire la peau à Fenriz de DARKTHRONE pour une sombre affaire de prêt de disque. Atteint de schizophrénie, l’on imagine sans peine les idées et les convictions délirantes sous-jacentes qui auraient pu lui faire commettre l’irréparable, si jamais la police suédoise ne l’avait pas stoppé à temps. Voilà pour les anecdotes croustillantes chers lecteurs. Mais revenons un peu à la musique envoutante de INFERNUM si vous le voulez bien.

Entre nappes de claviers fantomatiques dépliés lugubrement et vocaux criards possédés, "…Taur-Nu-Fuin…" est à l’image de sa pochette : cru, raw et sentant la douce odeur mortelle de la nuit. Le riffing reste efficace quoique peu audible, la faute assurément à une production assez maigre mais est-ce là bien l’essentiel. Cet opus qui schlingue les émanations toxiques est avant tout porteur d’ambiances sombres et hantées. Des titres font mouche cependant. Le suffisamment emporté et agressif "The Ancient Order" avec ses nappes un peu teintés à la EMPEROR (période "In The Nighside Eclipse" ) nous en donne déjà pas mal niveau diablerie. "Weltmacht Oder Niedergang" fonctionne aussi très bien avec ses parties épiques déjà un peu teintées de sentiments oppressants et de dégoulinures d’angoisse. Et puis moi qui aime le Dark Ambient, je suis servi par l’outro que je trouve vraiment oppressante et qui a tendance à me faire penser à certains sons de RAISON D’ÊTRE.

Au final vous l’aurez compris, "…Taur-Nu-Fuin…" n’est pas l’album le plus accessible qu’il soit. Son statut culte lui confère une aura qui cultive sa curiosité. Je ne m’étalerai pas sur le line-up douteux qui par la suite plongera dans les immondices de propos et de convictions avec GRAVELAND en probable fer de lance, néanmoins l’écoute de cet album – s’il ne glace pas le sang – procure le sentiment puissant d’être au contact d’un Black Metal doté d’une âme noire et foncièrement mauvaise que les premières heures du milieu des 90s ont tant porté avec d’autres (DARKTHRONE, BURZUM, GEHENNA, GORGOROTH…). Ne vous empêchez donc pas de l'écouter !