Deux ans après un "State Of Euphoria" mi-figue mi-raisin, ANTHRAX revenait avec ce "Persistence Of Time" à la pochette un peu quelconque, qui ne donne pas vraiment envie de se plonger dedans. Cependant, faire l’impasse sur ce disque serait se priver d’un album qui tranche nettement avec les précédents et qui montre un nouveau visage pour le groupe. En effet, ici, ANTHRAX se veut plus sombre, plus tourmenté. L’esprit décalé et fun des opus précédents s’estompe encore ici et on devine aisément que le propos est plus sérieux.

Cependant, les New Yorkais ne se défont pas de tous leurs marqueurs et il est aisé de reconnaitre les riffs de Scott Ian, qui sont à eux seuls une marque déposée pour ANTHRAX. Ici, le chant de Belladonna évolue également quelque peu. Il en fait un peu moins et tente de se montrer plus agressif. Mais entrer dans ce disque dès la première écoute semble bien compliqué tant "Persistence Of Time" semble austère.

S’il y a bien un disque d’ANTHRAX qui se dévoile à mesure que les écoutes s’enchaînent, c’est bien celui-ci. Les contours commencent à être mieux tracés, la première moitié de l’album se décante, car elle est plus compliquée, plus complexe que la seconde, avec ses longs morceaux qui finissent par devenir étouffant. C’est cette première face qui rend "Persistence Of Time" difficile d’accès, mais une fois que l’on a contourné les verrous, le plaisir est de mise. "Time", "Blood" ou encore "Keep It In The Family" sont des petites pépites qui s’apprécient avec le temps (d’où le nom de l’album ?).

En revanche, des morceaux comme la doublette "Intro To Reality"/"Belly Of The Beast" sont absolument jouissifs, l’instrumental se mariant à la perfection avec le riff assassin de la seconde. Autre somment de l’album, la reprise du "Got The Time" de Joe Jackson, sur laquelle Frank Bello s’éclate totalement avec sa basse (imaginez un instant si METALLICA avait laissé autant d’espace à Jason Newsted ?). La fin de la face B est peut-être un peu plus convenu, un peu moins passionnante ou tout simplement l’album est un brin trop long, mais passé "Got The Time" le reste parait bien plus fade.

Globalement, "Persistence Of Time" est un très bon album, une fois que l’on a pu le dompter et l’assimiler. Il n’est pas du genre à s’offrir immédiatement, il demande quelques écoutes, jusqu’à ce que le déclic se fasse. Ensuite, c’est du plaisir, juste du plaisir, même si ANTHRAX délaisse les comics, Stephen King et le Mosh pour s’exprimer différemment, la maturité venant avec l’âge. En tout cas, les musiciens semblent avoir entrevu de quoi sera fait demain et ils ont pris les décisions qui s’imposaient. Une autre, quelque temps plus tard, fera grand bruit : virer Joey Belladonna.