Parfois, un peu de changement, cela fait du bien. Pour "The Headless Children", Lawless voit les choses différemment, et il va commencer par changer de batteur. Et c’est le regretté Frankie Banali (QUIET RIOT) qui va récupérer les baguettes. Il va également se faire aider par une de ses idoles, Ken Hensley (ex URIAH HEEP, ex BLACKFOOT… regretté lui aussi), pour les parties de clavier de l’album. Après avoir repris "Easy Livin'" sur l’opus précédent, Blackie devait vivre un rêve éveillé ! Puis il y a le disque en lui-même…

"The Headless Children" est le genre d’album avec lequel un groupe peut se forger une légende. WASP l’avait déjà fait avec son premier essai, mais ici, le groupe dans son entier effectue une mue assez sidérante. C’est comme si la formation se trouvait une respectabilité. Elle qui n’était pas connue pour son bon goût, qui rimait avec attitude outrancière et, soyons franc, assez bas du front au niveau de la provoc, va ici se sublimer et frapper un très grand coup dans le milieu du Heavy Metal US en cette fin d’années 80.

On parle souvent de l’importance de l’opener. Le morceau qui se doit de placer l’album sur de bons rails, une charge finalement assez lourde à porter. Mais "The Heretic" l’assume sans le moindre problème. On devine tout de suite ce qu’essaye de faire WASP : le groupe enrichit son propos, il prend encore plus de temps pour développer ses idées, il se veut plus ambitieux. Le chant de Lawless se fait moins criard, plus maîtrisé, Holmes en impose toujours autant et cette ouverture est tout simplement grandiose. N’ayons pas peur des mots.

Et WASP va continuer comme ça. Il ne se révolutionne pas complètement non plus, on retrouve sa force de frappe à plusieurs occasions ("Rebel In The F.D.G", "The Neutron Bomber", "Maneater"), mais il va également faire montre d’une subtilité qu’on ne lui connaissait pas forcément (le court instrumental "Mephisto Waltz" qui introduit une touchante ballade, "Forever Free"). Et c’est franchement très plaisant tout du long, il n’y a pas de creux comme sur "Inside The Electric Circus". WASP est arrivé à maturité. Et l’intelligence d’écriture de Blackie Lawless ne fait plus aucun doute.

Alors oui, un fossé se crée entre le WASP frondeur et sale des débuts et celui-ci, plus éclairé, plus posé. Mais ici, nous assistons à rien de moins qu’à une mue. WASP, de chenille atroce, devient un papillon hypnotique qui grandit, pose son regard sur le monde et crache sa frustration. Regardez bien la pochette, vous verrez qu’il y a bien du « beau monde » : Staline, Charles Manson, Lee Harvey Oswald et plein d’autres gars sympas qui surgissent de ce qui pourrait être la bouche de l’enfer… Non, WASP ne joue plus dans les détritus, WASP vise la cour des grands.

La réédition de 1998 est gorgée de bonus alléchants qui donnent le demi point supplémentaire qui fait basculer la note à 5/5. Et accessoirement, mon WASP préféré, même si j’admets très volontiers que "The Crimson Idol" lui est supérieur.