"Kings Of Metal" fut l'aboutissement d'un succès grandissant pour la machine MANOWAR, un disque sur lequel Ken Kelly dessinait les premières œuvres référentielles de l'imagerie warrior du groupe. Mais ce succès a fait gonfler quelques cerveaux, notamment celui de cet impayable Joey DeMaio, persuadé que le groupe serait meilleur sans Ross The Boss, guitariste emblématique de la formation et pour beaucoup la caution Trve de la musique du groupe, ce côté revendiqué comme venant des tripes, cette forme de dépassement de soi presque nietzschéen qui se traduisait par cette imagerie fantastique (en particulier à l'époque "Into Glory Ride") et cette hyper-sexualisation de ces guerriers plus mâles que mâles.

Entre en scène David Shankle, une espèce d'Animal (celui du Muppet Show) virtuose pour la tournée, rejoint plus tard par Rhino, prenant la place d'un Scott Columbus occupé par des problèmes familiaux. Si le premier finira par quitter MANOWAR, le second rendra son siège à Scott sans sourciller. "The Triumph Of Steel" est ainsi un disque unique dans la carrière de MANOWAR. Il ne l'est pas que par son line-up mais aussi par sa musique. MANOWAR s'est donné les moyens de sonner aussi énorme qu'il a toujours voulu l'être, s'offre quelques discrètes orchestrations et se veut ambitieux musicalement…

Ce qu'il reste de ce disque, c'est un début de concept-album raté, avec deux compositions et demi pas finalisées (dont un "Glory Of Achilles" bien speed et efficace), une marche funèbre en guitares harmonisées du plus bel effet mais assez répétitive et d'interminables soli de batterie et de basse (ce sont même deux soli de basse qui s'enchaînent) qui permettent juste de constater que Rhino est un véritable tueur à côté de Scott Columbus.

Après ce plantage en règle, que reste-t-il du MANOWAR traditionnel ? Un "Metal Warriors", sorte de "Kings Of Metal Part II", efficace et aux paroles particulièrement hilarantes (le fameux "if you're not into Metal, you are not my friend"), un "Burning" dans l'esprit d'un "Blood Of My Enemies" où les narrations sont de retour, "Spirit Horse Of The Cherokee" qui possède son ambiance l'air de rien, et l'épique "The Power Of Thy Sword", aisément l'un de mes titres favoris des Américains, même si les bruits d'épées ont de quoi faire sourire, de même que les orchestrations bontempi de la ballade "Master Of The Wind".

En résumé MANOWAR, devenu un brin mégalo, dans sa quête de grandeur a bien dilué son essence, et malgré quelques bons moments, le fossé avec "Kings Of Metal" est béant, est pas forcément dans le bon sens, à l'image des musiciens, Rhino apportant un réel plus, et David Shankle jouant toujours plus vite mais sans un dixième du feeling de Ross The Boss.