La carrière d’AEROSMITH pris un tournant avec le départ de Joe Perry. Les Toxic Twins sont séparés, mais y a-t-il vraiment un garde-fou pour Steven Tyler dans le groupe, maintenant que l’ombrageux guitariste a pris la tangente ? Sa consommation de drogue ne s’arrangeait pas, ses prestations n’étaient de fait pas toujours convaincantes, sa santé périclitait et son comportement se voulait de plus en plus despotique au sein de la formation. Une situation qui commençait à peser lourd pour Brad Whitford qui a fini par claquer la porte à son tour. Amputé de ses deux guitaristes originaux, le son allait forcément changer.

Surtout que Jimmy Crespo sera seul pour assurer les guitares, Rick Dufay arrivant après l’enregistrement de l’album. On note également un rapide retour de Jack Douglas qui vient dépanner au niveau de la production et de la composition, en compagnie d’un certain Tony Bongiovi au cousin qui attendait son heure dans son coin. Et si l’on fait abstraction de la voix de Tyler, reconnaissable immédiatement, il est difficile d’affirmer qu’il s’agisse bien d’un album d’AEROSMITH. Crespo est plein de bonne volonté, mais il lui manque un certain feeling qu’avait la paire de guitaristes qui le précédait.

S’il s’avère d’une efficacité bluffante sur les compositions les plus relevées, dès qu’il s’agira d’y aller au sentiment, ce sera Tyler qui fera le boulot, comme sur "Cry Me A River", cover d’une lovesong des années 50, où la voix du chanteur se veut déchirante à souhait. Pareil pour "Bitch’s Brew", l’introduction n’est efficace que parce que Tyler se déchire, Crespo étant clairement plus à l’aise quand il s’agit d’embrayer sur quelque chose de plus Heavy. La section rythmique, derrière, assure toujours, même si ici elle se veut moins groovy, elle tabasse plus, se veut plus frontale.

AEROSMITH va réellement briller sur un titre : "Jailbait". Morceau introductif qui ne laisse pas le temps à l’auditeur de prendre son souffle, il le plonge directement dans un tourbillon tumultueux et vindicatif, proche d’une certaine forme de Heavy Metal. Une composition brutale pour les Dupont Volants, mais qui va également avoir un effet épouvantail : derrière, ça a du mal à arriver à niveau et cela va coûter des points à "Rock In A Hard Place" : il s’agit d’un album dont on ne se souvient parfaitement que de son opener.

Pourtant, quelques bons, voire très bons titres émaillent cette galette, comme "Lightning Strikes" et son riff de bûcheron, qui permet de bien enchaîner après "Jailbait". Le title track est assez intéressé avec son côté Rock N’Roll déjanté (et quelle introduction !) tandis que "Push Comes To Shove" permet de conclure habilement le tout, une ballade tranquille absolument pas niaise. Le reste s’écoute, contient parfois même de bons moments, mais s’avère au final bien plus anecdotique, bien que Tyler s’accroche à son micro comme s’il était mu par l’énergie du désespoir, comme s’il était conscient de son état et qu’AEROSMITH était sa bouée.

Ce disque est une parenthèse dans la carrière du groupe. Certains persifleurs pourraient parler d’une anomalie (les absences de Perry et de Whitford, musiciens à la dérive, etc.), il s’inscrit cependant dans une espèce de continuité, ne prenant que quelques maigres risques, sans chercher à s’adapter plus que cela à l’air du temps. La formation n’est pas encore sortie de sa chrysalide. Elle ne le fera pas sur l’album suivant non plus, malgré un line-up réunifié. C’est un disque. D’AEROSMITH. Et c’est déjà pas mal.

Incontournable : "Jailbait".
Mention honorable : "Lightning Strikes".

Note réelle : 2,5/5.