Nous sommes au début des 80's et rien ne va plus chez Aerosmith: après Joe Perry en 1979, Brad Whitford, lassé des caprices de Steven Tyler et de la panne d'inspiration du groupe, quitte à son tour un navire à la dérive. Malgré tout, Steven Tyler continue l'aventure Aerosmith avec 2 guitaristes de substitution: Jimmy Crespo et Rick Dufay. L'harmonie dans le groupe et les problèmes de drogues ne sont pas pour autant résolus, loin s'en faut, et l'enregistrement d'un nouvel album prend un temps infini, coûte une somme astronomique à sa maison de disque.

Aussi, lorsque "Rock in a hard place",7ème album studio du groupe bostonien, sort en août 1982, le pire est à craindre. Pourtant, malgré les conditions et les circonstances dans lesquelles ce disque a été conçu, ce n'est pas la catastrophe annoncée. Au contraire, Steven Tyler semble s'accrocher comme un damné, lutter pour la survie d'Aerosmith, sa propre survie surtout. Comme si,poussé dans ses derniers retranchements, il était poussé par l'énergie du desespoir...

Ainsi, cet album recèle quelques très bons moments d'écoutes: le furibard et dejanté "Jailbait" et ses guitares hurlantes, le très Rock n'roll "Rock in a hard place(Cheshire cat)" avec la presence d'un saxophone à l'appui; "Cry me a river" qui est en fait une reprise d'un vieux standard jazzy des années 50, chanté par Julie London(et qui montre un Steven Tyler émouvant); "Push comes to shove", une ballade qui transporte l'auditeur dans l'ambiance cabaret sur laquelle piano et harmonica sont omniprésents. Mais le meilleur titre de l'album est incontestablement "Lightnig strikes": intro doucereuse aux claviers sur laquelle viennent se superposer les guitares qui, appuyées par la batterie, montent en puissance et crachent leurs riffs Hard Rock venimeux au moment où la voix de Steven Tyler entre en piste. Magistral ! D'ailleurs, ce titre est illustré par un clip montrant le combo bostonien jouer les caïds; battes de base-ball, chaines, canifs et perfectos à l'appui.

Cependant, sur le reste de l'album, on sent bien que le leader d'Aerosmith traine son vague à l'âme(c'est flagrant sur "Bitch's brew"). Des titres comme "Joanie's butterfly" ou les funkysants "Bolivian Raggamuffin" et "Jig is up" s'écoutent sans problème, mais laissent un goût d'inachevé: il manque, à mon avis, la patte de Joe Perry pour transcender le tout. Car, même si Jimmy Crespo et Rick Dufay ont fait un bon boulot sur "Rock in a hard place", il faut quand même reconnaitre qu'ils n'ont pas le charisme de Mister Perry. Cet opus n'a d'ailleurs pas suscité l'enthousiasme des foules car il s'est contenté d'une modeste 32ème place dans le top album americain(il sera certifié disque d'or 7 ans après sa sortie) et c'est fort logiquement que Joe Perry et Brad Whitford réintégreront Aerosmith en 1984.

En conclusion, je dirai qu'il s'agit là d'un bon album qui s'apparente davantage à un effort solo de Steven Tyler qu'à celui d'Aerosmith; mais qui vaut quand même la peine d'être (re)découvert car il présente des aspects intéressants(un certain côté mélancolique, notamment).