"Outcast" avait déjà fourni quelques pistes. La présence de Tommy Vetterli allait de toute manière changer les choses, Petrozza ne pouvait pas louer les services du guitariste de CORONER et le museler pour revenir à une formule plus basique, moins aventureuse. Si les fans étaient déjà désarçonnés par ce disque, ils ne s’attendaient certainement pas à la révolution "Endorama". La pochette, déjà, continue de rompre avec les joyeusetés du passé, mais elle possède toutefois un je-ne-sais-quoi de lugubre et d’énigmatique. Mais c’est musicalement que va venir la véritable révolution.

Ici, de Thrash, il n’en est pas question. Ce serait trop simple, aussi KREATOR va explorer des voies qui ne sont pas tout à fait les siennes. Pardon, carrément pas, même si cela devenait perceptible sur "Outcast". Les musiciens vont évoluer dans un univers froid, aux allures Indus et Gothique, où ils vont s’ouvrir à de nouveaux sons, de nouvelles façons d’appréhender leurs instruments. En premier lieu, Ventor va signer une prestation excellente, où il délivre un certain groove ("Chosen Few") et un travail plus délicat autour de la batterie en général. Mille, de son côté, va prendre des cours de chant pour devenir un atout mélodique. "Endorama" est certainement l’album sur lequel il chante le mieux, sur lequel il ose des choses qui ne se répèteront que rarement dans le futur.

Alors évidemment, c’est déstabilisant. Le fan die-hard a dû faire une jaunisse en découvrant cet opus qui s’échappe totalement du reste de la discographie. La présence de Tilo Wolff, leader de LACRIMOSA (!) sur le morceau titre peut sembler complètement incongrue, mais pourtant le duo fonctionne très bien, une osmose se créé entre lui et Petrozza, une complicité qui vaudra à Mille de jouer plusieurs morceaux sur l’album "Revolution" quelques années plus tard. Pourtant KREATOR est toujours capable de belles fulgurances, comme sur le title-track, "Golden Age" ou encore le terrible "Soul Eraser".

Evidemment, une chanson comme "Passage To Babylon" a de quoi surprendre, toute en douceur, mais avec quelque chose de malsain de sous-jacent. "Endorama" est plus posé, mais il n’est pas plus lumineux pour autant, il se fond niveau ambiance du côté de "Outcast", qui lui-même s’inspirait des heures noires d’un "Renewal" pas toujours apprécié à sa juste valeur. Aussi, "Endorama" se glisse volontiers avec eux du côté des albums un peu oubliés, ceux qui étrangement voyaient le groupe prendre le plus de risques, chercher clairement à évoluer.

"Endorama" n’est pas un disque à ignorer. Il est réellement captivant et il a juste eu le malheur de sortir sous le nom de KREATOR et que dans le domaine du Thrash, l’évolution n’est pas toujours très bien vue. Surtout si c’est pour arrondir les angles. Pour ma part, il s’agit d’un des meilleurs essais du groupe, que je préfère largement à un "Enemy Of God" qui ne fait que ressasser une formule qui a fait ses preuves et qu’il se contentera de décliner pendant quelques années avant de sonner plus propre ces derniers temps.