Quel filou je fais. À force de chroniquer du Core que personne n’aime ou des groupes qui parlent de matières fécales à longueur de temps, je viens de passer sous les radars, et Haplo n’a pas vu que dans mon encart de présentation, le Prog faisait partie des styles que j’affectionne ! Ma Kro-X à contre-courant va être du gâteau !

Haplo : "Remissa, le Prog, c’est pas QUE du Djent."

Remissa : "...Merde."

Je joue au crétin, mais il y a un fond de vérité, car je dois admettre que "le seul et l’unique" m’a gâté, ou fait une fleur en me proposant TURBULENCE, car même dans ma candeur comparativement à lui, "Frontal" est un skeud captivant à bien des égards.

Ainsi, les premières poignées de secondes de "Inside de Gage" débutent et…

R : "Ah, mais je reconnais, c’est DREAM THEATER !"

Je ramasse mes dents suite au crochet de mon bourreau, et écoute la suite plus attentivement. L’intention des Libanais à nous inviter dans un voyage empli de poésie et de conscienciosité est immédiatement palpable, et la maturité dans l’intrication des briques qui composent les titres est remarquable. On sent une propension à expérimenter des constructions, des nuances de sons et de couleurs tout en racontant une histoire concrète.

Et à ce petit jeu, "Madness Unforeseen" est à mon goût le titre le plus abouti et impactant de la galette. Peut-être est-ce dû à mon niveau de concentration digne d’un collégien du fond de la classe, mais le format "court" de six minutes permet d’avoir un concentré de l’art du quintet, évoluant dans une danse d’instruments cadencée et enivrante. Et ce break aux trois-quarts du morceau, pardonnez-moi l’expression surannée, mais quel pied bordel !

R : "J’avoue, et en plus c’est pas comme DT, on se fait pas chier quand il y a un solo de clavier !"

Je m’éloigne de quelques pas, voyant Haplo faire des échauffements de nuque et se craquant les articulations des phalanges en vue de m’en préparer une salade, mais il faut bien admettre que Mood Yassin est un orfèvre dans le paramétrage de ses touches, et arriverait presque à me faire préférer ses fulgurances à celles de son compère Alain Ibrahim aux cordes, pourtant pas en reste.

TURBULENCE prend son temps dans le développement de ses titres, leur donnant une singularité, ne tombant jamais dans le piège d’un Prog consensuel et dilué, en s’essayant à moult variations de tempo et de tons, tantôt solennels, tantôt délirants, tantôt légers ("A Place I Go To Hide" se joue ainsi de nos émotions, s’achevant sur un final totalement barré, mais toujours pertinent). Je suis en revanche moins client de son successeur, "Crowbar Case", un chouille trop "tiroirs". Mon manque d’aguerrissement sûrement.

S'apparentant ainsi aux grands pontes du genre comme DREAM THEATER donc, ou encore ANIMAL AS LEADERS voire même du PLINI par moments sans en copier les codes, ce petit groupe d’illustres inconnus du Moyen-Orient réussit ce qu’il entreprend avec brio et rappelle aux yeux du monde qu’il ne suffit d’être un nom pour s’ouvrir un boulevard devant soi, et qu’à force de travail, de sensibilité, et de prise de risques, le résultat est plus que payant. J’y reviendrai.

R : "Et puis vous voyez bien que le Prog c’est du Djent, "Perpetuity" ça tabasse bien ! 0-0-0-0-0…"

H : "J’abandonne, t’es vraiment trop ignare, retourne à tes CD pipi-caca, ça vaut mieux pour tout le monde !"

R : "Mais… Je m’en suis quand-même bien sorti pour un contre-courant non ? Chakras ouverts, tout ça ?"

H : "Pars. Vite."

Morceaux préférés : "Madness Unforeseen", "Perpetuity", "Faceless Man".