Pour beaucoup, GRAVEWORM est et demeurera un groupe qui n'a jamais fait que copier CRADLE OF FILTH, tentant vainement de le dépasser sans y parvenir.
Pour d'autres comme moi (qui grimace en écoutant CRADLE), GRAVEWORM est une entité bien particulière, plus que particulière même, exceptionnelle, et qui n'a rien à envier à ses grands frères.

Ce Scourge Of Malice emprunte davantage au heavy, se détache de certaines ambiances plus plombées de As The Angel Reach The Beauty, tout en gardant un attrait particulier pour les passages mid tempo. Le résultat est nécessairement plus épique. Des parties symphoniques s’échappent toujours un lyrisme haut en couleur, scellé par une noirceur propre au black metal traditionnel (même si la prod reste plutôt "appliquée"), un oxymore musical sublimant la beauté de quelques forces obscures, ce qui certes n’est pas uniquement le propre de GRAVEWORM, mais que les italiens manient à nouveau avec classe.

As The Angel Reach The Beauty touchait la corde sensible, la profondeur de son ambiance, funèbre et onirique à souhait, la douceur, la mélancolie aussi bien que la grâce qui s’en dégageaient m’élevaient aux cimes d’un univers sonore transcendant, bien loin du ressenti que provoquait des albums plus communs. Scourge Of Malice ne retranscrit pas entièrement cette expérience (ultra subjective, je vous l’accorde), il y a ce « petit truc en moins ». Les breaks orchestraux aussi bien que les mélodies enchantent toujours, mais avec une très légère baisse de rigueur, d’exactitude.

On ne pourra pas en tout cas reprocher à GRAVEWORM de ne pas avoir de personnalité. Il suffit d’entendre comment le groupe se projette dans les textes et les mélodies du « Fear Of The Dark » de Maiden, transforme avec tact un premier couplet par un long break où le langage des instruments à cordes remplace les vers de Bruce Dickinson (je fais fort là :p). Puis cette nuée métallique si typique du groupe, où les riffs de la vierge de fer sont parcourus par des nappes de claviers volatiles, cotoyées par une cornemuse funéraire et bien sûr par le chant d’outre-tombe de Stefan.
Tentons avec les grands mots : cette reprise est un coup de génie. Si je dis ce qui me passe par la tête à son écoute, je me ferais incendier, mais tant pis, je le dis quand même, cette version est meilleure que celle d’IRON MAIDEN, qui aurait dû composer plus souvent pour GRAVEWORM ! (non là je déconne si ça peut vous rassurer).

Au rang des compositions excellentes, il y aura peut-être aussi le très marquant « Descending into ethereal mist », point d’ancrage de la tournure musicale que prend cet opus. Viennent ensuite tous les autres morceaux, tous aussi bons les uns que les autres, entrecoupés par l'instrumental acoustique « Threnody », ses quelques minutes de répit.

Prenez donc les deux paragraphes centraux, gardez en tête les éléments décrits autant que les adjectifs. Lisez les poèmes les plus oniriques de Baudelaire ou de Poe (ou d'autres poètes de leurs trempes), imaginez un paysage sonore relativement adapté (avec un aspect peut-être plus envolé). La musique de GRAVEWORM, autant Scourge of Malice que son prédécesseur se situe par ici. L'un est tout de même en deça de l'autre.