En 1997, Ihsahn en montant sur une estrade face à son public trié sur le volet, à la manière de Pink (*) vêtu d’une longue parka noire, nous faisait l’aveu qu’il cachait depuis beaucoup trop longtemps qu’il était en fait un nain astigmate ascendant cancer et qu’il avait bien trompé son monde en ne dévoilant jamais ses échasses. Samoth quant à lui avouait avoir eu un faible pour s’engager auprès des pompiers en fantasmant secrètement de devenir pilote de Canadair pour monuments en bois. Alver pêchait toujours à la mouche mais son amour immodéré pour les lichens et le frottage de membre sur tronc d’arbre, épreuve pour laquelle il avait reçu le chibre d’or dans la catégorie poing de merde, lui avait finalement fait perdre l’esprit un peu avant les championnats de Scandinavie. Quant à Trym, en prenant le relai de Faust en cabane depuis quelques temps, il se déclarait enfin aux yeux du monde gender fluid sous les acclamations nourries de ses camarades qui ne pipaient pas un mot de ce que cela signifiait.

Reprenons…

En 1997, Ihsahn enivré par les milliers d’idées qui le traversent embarque EMPEROR à se métamorphoser. "Anthems To The Welkin At Dusk" est cette image d’Épinal, ce moment précis où l’imago sort de sa chrysalide et déploie ses ailes par la circulation d’un sang nouveau. Et cette transition était sans doute nécessaire pour EMPEROR, il fallait qu’impérieusement ce changement de peau se produire afin de ne pas risquer de rester enfermer dans un Black Metal Symphonique incandescent après un "In The Nighside Eclipse" ravageur et effrayant de ténèbres.

Peu de temps auparavant, sortait l’EP "Reverence" et, pour les adolescents en mal d’infirmations et d’images que nous étions, voilà que "The Loss And Curse Of Reverence" – futur titre de "Anthems To The Welkin At Dusk" – nous présentait un EMPEROR entiché d’un Black Metal surpuissant, déployant des monstres de blasts, du riffing avec des sonorités plus Prog et Heavy Metallisé, des claviers plus en retrait mais toujours spectraux, et un Ihsahn à la tessiture de voix très bien travaillée et mûrie. Forcément, un peu scotchés par cette déferlante de décibels absolument folle et les frissons qui vont avec, nous restions pendus à ces images qui auguraient du tout bon pour l’album à venir.

Et la vague scélérate de "Anthems To The Welkin At Dusk" était presque imprévisible et bluffera les fans comme les critiques, applaudissant à qui mieux mieux voire à celui qui le pourra le plus longtemps juste pour éventuellement se faire remarquer par les Norvégiens… Car il est vrai que l’ensemble des compositions embaume l’excellence à plein nez. Avec une production assez intelligible sans être trop clair et tranchante, le jeu de Trym à la batterie, bien mis en avant, confère à cet album une énergie redoutable, saisissante et perforante. Je resterai un éternel amoureux de "With Strenght I Burn", de "Ye Entrancemperium", bien évidemment de "The Loss And Curse Of Reverence", mais aussi un peu beaucoup de l’instrumentale et de son riff superbe (le qualificatif n'est pas assez fort) de "The Wanderer" que je ne peux toujours pas écouter qu’une seule fois…malgré les années d’écoute immodérée de cet album.

En 1997, j’avais seize ans et je vivais une jeunesse incroyable. En découvrant cet album le jour de sa sortie, nous étions quelques-uns à nous être précipité à la fin du lycée pour aller l’acheter derechef et aller se le passer chacun dans nos grottes, les émotions à fleur de peau, les frissons dardant l’épiderme, les rêves et les pensées puissantes… Une partie d’entre-nous savait que EMPEROR ne nous avait pas trahi et que ces Norvégiens-là – du moins tous ceux qui avaient partagé jusqu’alors l’histoire de EMPEROR) – nous accompagneraient jusqu’au bout de notre vie.

(*) Pink est ce personnage double du film "The Wall" d’Alan Parker sorti en 1982.