Si l’on m’avait dit il y a six mois que je me retrouverais à écrire quelques lignes sur un nouvel album de LINKIN PARK, je ne vous aurais sans doute pas crus. Si de surcroît on m’avait soufflé que je gribouillerais une bafouille positive, encore moins, tant que le groupe semblait perdu pour la cause depuis bien longtemps, avant même le décès de Chester Bennington. Depuis son troisième opus, "Minutes To Midnight", les Californiens avaient perdu le mojo entre expérimentations discutables, faux retour au sources foiré, perte d’inspiration dans l’écriture, sans même parler du suicide de leur charismatique frontman. Alors l’annonce de cette "reformation" (même si Shinoda se défendrait sans doute d’avoir jamais splitté) s’est forcément accompagnée de beaucoup de questions, de circonspection et autres doutes légitimes.

J’ai assisté à leur show streamé présentant les nouveaux membres, Collin Brittain remplaçant Rob Bourdon derrière les fûts, et plus encore à l’évidence Emily Armstrong dans le rôle de l’Ange tourmenté. Malin au passage d’avoir choisi une femme pour prendre la suite de Chester, même si les controverses liées à son appartenance à la scientologie ou le rejet d’une partie du clan Bennington a pu entâcher quelque peu ce lancement marketing pourtant proche de la perfection. Le dit-concert m’a énormément rassuré, même s’il n’était à l’évidence pas parfait, quant aux capacités du combo d’écrire un nouveau chapitre, mais plus encore que ces images, c’est bien le premier single, l’imparable "The Emptiness Machine" qui m’a aiguisé l'appétit avant de voir "From Zero" et son évident message, tomber dans les bacs comme on disait à mon époque.

Alors, évidemment, cet album résurrectionnel n’est pas le meilleur de LINKIN PARK, hein ! N’allez pas me faire écrire quelconque blasphème. Mais il figure peut-être sur mon podium personnel, ou pas loin en tout cas, derrière les brûlots "Hybrid Theory" et "Meteora", ex-aequo avec "Minutes To Midnight". Et c’est déjà une performance en soi, après tout ce qui a pu se passer. Et puisqu’il faut aborder le style prodigué, LINKIN PARK s’étant montré bien hétérogène au cours de sa discographie, on pourrait dire qu’il s’agit ici d’une représentation plutôt juste de l’ensemble des albums des Américains.

Le disque contient en effet des titres très marqués Néo, une grosse moitié (outre le single précité, ajoutons "Heavy Is The Crown", le furibard "Casualty", l’imparable "Two Faced" aux relents de "Two Steps Closer Lite" ou encore "IGYEIH" fort sympathique). Mais il ne cède pas totalement au fan service, nous livrant toujours des sucreries Pop, cette fois plus inspirées que sur l'exécrable "One More Light" ("Good Things Go" et ses très belles harmonies vocales entre Mike et Emily, "Cut The Bridge" ou encore "Over Each Other", qui s’avère bien plus puissante en live qu’en studio. La nouvelle venue s’en sort remarquablement, même si la puissance de son chant screamé, toute indéniable soit elle, ne véhicule pas autant d’émotions que celui de Chester, avouons-le. Il me manque ce petit soupçon de sincérité pour que je crie totalement à la renaissance du phénix.

Malgré tout, même si tout cela est le fruit d’un calcul évident dans l’écriture ou le choix de la tracklist, j’avoue que le plaisir de retrouver une partie de ces sons urbains, ce flow imparfait mais touchant de Mike (qui a vachement progressé au chant d’ailleurs), ces scratchs un peu à la oneagain de Mr. Hahn, et bien entendu ces murs de guitares de Brad Delson d’il y a vingt ans, prime sur tout le reste. Laissez vous tenter sans a priori, vous ne le regretterez pas. “From Zero” n’est pas le disque du siècle, loin de là, mais il n’en reste pas moins un véritable plaisir coupable qui ravive la flamme éteinte de ces légendes controversées du mouvement Néo.

Note réelle : 3,5/5, arrondi à la baisse car 31 minutes, c’est un peu court les copains…

PS : j’ai eu la chance de les voir en concert à La Défense Arena cette année (cf. Live report du 13 Novembre 2024), et c’était un grand moment, très émouvant. Je peux vous assurer que la formation cartonne en live comme à la grande époque et que le plaisir de se retrouver ensemble sur scène n’était pas "Faint".