Qu’on se le dise, la douce folie de Mike Patton, l’homme aux mille projets, ne s’est que révélée avec FAITH NO MORE. Si le bougre est allé ensuite explorer toutes les contrées musicales, de la variété italienne avec l’improbable "Mondo Cane" en mode crooner aux trucs plus expérimentaux à la limite de l’audible ("Pranzo Oltranzista"), en passant par FANTÔMAS, PEEPING TOM, TOMAHAWK, LOVAGE ou plus récemment DEAD CROSS avec encore l’ami Dave Lombardo (SLAYER), cette hyper-activité créative a engendré nombre d’œuvres plus barrées les unes que les autres, avec pour seule constante une qualité assez remarquable (ainsi que de légers penchants scatophiles, il est vrai).

Tout a en effet commencé ici, avec MR BUNGLE, qui livre son premier album en 1991, boosté par le succès de son intégration chez FNM via "The Real Thing" en 1989, dont le single, "Epic", avait à l’époque bien cartonné sur MTV. Pour ceux qui trouveraient FAITH NO MORE bizarre, je déconseille de creuser les discographies des groupes cités ci-dessus, car il s’agit bien de la formation la plus accessible au sein de laquelle n’ait jamais officié l’ami Michael Allan Patton.

Déjà accompagné par Trey Spruance (guitare, claviers) et Trevor Dunn (basse), toujours à ses côtés en 2024, cet éponyme balaie un spectre musical complètement loufoque, du Jazz à la Funk, en passant par des interventions Metal totalement inattendues et décalées, voyant ici et là débarquer un saxophone ou une clarinette, sans aucune cohérence apparente. Une version des RED HOT ou d’INFECTIOUS GROOVES animée par un clown maléfique ayant perdu toute raison. Il est proprement impossible de décrire le chaos musical dont fait preuve l’opus, tout comme il serait vain d’essayer de deviner où chaque piste va, passant du crooning à des beuglements et autres pitreries de son frontman ("Squeeze Me Macaroni"). La basse claque sévèrement et rythmiquement l’ensemble est assez fou, grâce soit rendue au duo Dunn/Spruance d’avoir su se mettre au diapason des névroses dérangées de son frontman.

Malgré tout, "Mr. Bungle" ne sombre pas dans certains travers expérimentaux, et parvient dans un équilibre incongru à proposer de véritables chansons, dont certaines assez géniales ("Quote Unquote", "The Girls Of Porn", "Carousel"), dans un style parfaitement unique et inégalé. Toujours sur le fil du grand n'importe quoi, certainement, le disque résiste malgré tout magnifiquement à l’épreuve du temps, la réécoute s’avère toute aussi jouissive qu’à l’époque pour peu que l’on soit un tant soit peu porté sur un non-sens dont les Monty Pythons ont fait étendard sous une autre forme artistique.

À titre personnel, je mets cet essai séminal au niveau de la période bénie du cousin FAITH NO MORE, ni plus, ni moins.