Chaque fois que j’écoute "From Mars To Sirius", je ne peux m’empêcher de me dire qu’il s’agit de ce disque que retiendra l’Histoire du Metal français, quand les générations futures se pencheront sur notre pays pour savoir ce que nous produisions. GOJIRA avait déjà montré une marge de progression entre "Terra Incognita" et "The Link", les Landais Volants commençaient à peaufiner leur style, à se décomplexer totalement. Avec le disque à la baleine, ils franchissent un nouveau cap, avec une finesse d’écriture qui tend vers le sublime. C’est du Death Metal, mais du Death qui voit plus loin que les limites du genre, qui avance sur des plans mélodiques qui n’ont rien à voir avec le Death Melo, c’est technique mais sans que cela ne tire vers une fibre à proprement parler Progressive. La brutalité ? Elle n’est pas motrice, elle est présente par touches. Non, "From Mars To Sirius", c’est du Death on ne peut plus vivant.

Que dire de plus ? Le Floydien "Flying Whales" est un véritable monument. La pièce maîtresse d’un album qui n’en manquerait pourtant pas. C’est planant, quelque part c’est léger, spirituel ,dans son sens le plus noble, poétique pour qui veut bien la trouver, cette poésie. Ça ne parle pas de tombes mutilées, de morts brutales et sales, de satanisme de pacotille, c’est posé, réfléchi et ça fait un bien fou. On pourrait reprocher à GOJIRA d’intellectualiser un genre qui n’en a pas besoin, car plus c’est bas du front, plus c’est jouissif. Cependant, et en ça SUP aura été un précurseur dans le genre en France, proposer un univers plus cérébral dans un genre connu pour sa bestialité revient finalement à lui conférer une certaine noblesse, une grandeur d’esprit qu’on ne lui soupçonne pas forcément et surtout, à l’amener à des masses qui n’aurait pas pris la peine de s’y intéresser sans ce petit coup de pouce.

"From Mars To Sirius" est riche. Riche d’une diversité troublante et explosive, à la fois d’une puissance terrible ("The Heaviest Matter Of The Universe", "Backbone") et d’une démarche psychédélique et planante ("Flying Whales", "From The Sky"…) ; riche d’une complexité qui n’appartient qu’à lui, marquant un pas de géant à côté de ses deux ainés ; riche d’un pouvoir fédérateur qui allait attirer l’attention du monde entier sur nos frenchies, dont certains grands musiciens qui n’allaient pas tarir d’éloges à leur sujet. "From Mars To Sirius" est un disque rare, du genre de ceux qu’on ne croise pas souvent dans une vie. Il brise les codes, il dessine de nouveaux contours, et en cela il est unique, même pour ses concepteurs qui ne referont jamais aussi bien, jamais aussi mémorable que cela. Cet album traversera le temps, les époques, les modes. Mais il sera toujours aussi beau et évocateur.