Belle productivité que de celle des Texans de PANTERA, qui ne sortent ni plus ni moins que quatre albums passés à la postérité, à tort ou à raison, en l’espace de six années seulement. Voici donc le dernier de la bande, et peut-être le plus furieux de tous. Il faut dire qu’avec une entrée en matière du niveau du title-track et son cri bestial introductif, le ton est donné d’emblée. Fini les mid-tempi poisseux de "Far Beyond Driven", les frangins Abott ont envie d’en découdre ! Enfin, fini, pas tout à fait. Rassurez-vous, amateurs de lourdeur. Il y en aura pour tous les goûts ici, et l’on retrouve la "variété" de "Vulgar Display Of Power", qui manquait à mon sens cruellement sur l'effort de 1994. Plus violent, mais également plus mélodique, tel est le paradoxe de cet opus.

Il convient de préciser le contexte dans lequel "The Great Southern Trendkill" fut enregistré. Les tensions ont été grandissantes entre les frères Abbott et l’erratique chanteur, miné par des problèmes de dos puis de drogue au cours de la tournée précédente. Quelques petites sorties de route plus que limites du frontman – dont il se rendra par la suite régulièrement coupable – alliées à sa participation au projet DOWN ("Nola" est sorti en 1995) créent de la distance avec le reste des membres. Il enregistrera d’ailleurs ses parties vocales seul chez Trent Reznor (NINE INCH NAILS) à la Nouvelle-Orléans, tandis que ses comparses restent fidèles à leurs habitudes à Dallas.

Cette énergie négative transpire par tous les pores à l’écoute de la galette. Plus sombre (« Drag The Waters ») et plus vicelard ("Living Through Me (Hell's Wrath)"), "The Great Southern Trendkill" renoue également avec l’inspiration dans l’écriture, de qualité plus constante ici. Les riffs s’enchaînent avec une hargne retrouvée, sans volonté d’écraser la tronche de l’auditeur à chaque seconde ("War Nerves"). Phil est littéralement possédé sur chacune des pistes et maîtrise à présent totalement le créneau sur lequel il entraîne son groupe. La section rythmique est impeccable comme d’habitude – est-ce bien la peine de le préciser ? – et Dime peut s’en donner à cœur-joie sur ses soli, d’un niveau assez exceptionnel ("Floods" touche ainsi au sublime, dans un registre plus conventionnel qu’à l’accoutumée).

Pour autant, PANTERA démontre un soin pour ciseler des ambiances inquiétantes qu’on ne lui connaissait pas nécessairement auparavant, à renfort de chant clair ou de guitares Folk. Le disque comporte de fait plusieurs pistes méandreuses, au moins aussi intéressantes que les chansons plus « in your face ». Ainsi, "10’s", "Suicide Note, Pt. 1" ou le merveilleux "Floods", peut-être l’un de leurs meilleurs morceaux, donnent l’aperçu d’un combo fortement ancré dans le Sud des US, le bourbon au bec et le clopiot à la main (à moins que ce ne soit l’inverse…).

Ce chant du cygne, avant un "Reinventing The Steel" au goût de réchauffé quatre ans plus tard, est le témoignage d’une formation au sommet de son art malgré des relations devenant exécrables entre les musiciens.

Note réelle : 4,5/5.