Pourquoi on ne me dit jamais rien à moi ? Heureusement que Beagle est là, sinon, je serais totalement passé à côté de 1914, et notamment de ce "The Blind Leading The Blind", paru en 2019. Par pitié, je vous enjoins à donner sa chance à cet album, pour peu que vous soyez client du mélange Death / Black à haute teneur mélodique. Car c’est bien cela dont il s’agit ici, et ni plus ni moins l’un des meilleurs que j’ai pu ouïr ces dernières années.

Puisant aussi bien dans certaines intentions instrumentales qui m’évoquent un SATYRICON récent ("Arrival. The Meuse-Argonne", "Passchenhell" et ses dissonances délicieuses) de la période "Now, Diabolical" que des pistes du superbe "A Journey Told Through Fire" de SWORN pour ses penchants Méloblack, 1914 a l’élégance de trouver un univers singulier et prégnant, celui de la guerre. Oui, la guerre, c’est mal, et l’eau ça mouille, certes. Mais aucune envie de plaisanter ou fanfaronner ici sur des chars en carton-pâte (notez que je ne vise personne). Durant la petite heure que dure ce bijou, on EST véritablement immergé dans les tranchées absurdes et plombantes de la Grande Guerre. Loin d’être un artefact de posture, les Ukrainiens nous balancent leurs atmosphères sanglantes et boueuses au travers de compositions illuminées par la grâce ("Stoßtrupp") et quelques interludes tout sauf anecdotiques ("Hanging On The Barbed wire", "War Out", les intros de "C'est Mon Dernier Pigeon" et de "The Hundred Days Offensive").

Je ne sais pas qui sont ces gens, Dark Beagle saura certainement mieux vous éclairer que moi, mais au regard de l’actualité qui a suivi la sortie de ce second LP, nul doute que les tirs et éclats des 11 pistes résonnent d’autant plus pour leurs concitoyens, englués dans un conflit qu’ils n’avaient pas demandé et qui doit s’avérer bien sale également. Les rythmes sont lourds, martiaux, ("A7v Mephisto") menés à la baguette par un frontman à la voix Death sombre et profonde et une paire de guitaristes qui fait des merveilles de justesse dans son approche.

NIGHT CROWNED m’avait collé une méchante torgnole avec "Tales" dans un genre similaire, mais les touches épiques et Folk orientaient les sensations de l’auditeur vers des intentions moins désespérées, alors que 1914 s’en saisit pleinement et assume ses besoins de fange, de sueur, de sang, de mort, tout en puissance, au potentiel immersif totalement bluffant. Peu de Tremolo picking ici – c’est à souligner pour le genre – la créativité dont font preuve les musiciens est tout à leur honneur pour assumer le genre sans en singer toutes les mimiques habituellement déclinées jusqu’à plus soif.

"The Blind Leading The Blind" bute, c’est aussi simple que cela, et constitue sans doute l’un des meilleurs albums que j’ai pu écouter cette année. Il s’immisce en moi comme un Facehugger, et persiste à retentir bien après que les blasts ne se taisent enfin, me donnant envie sans tarder de découvrir le reste de la discographie. Mais auparavant, je vais quand même me relancer ce disque, ô combien addictif.

Sauvage, brutal, absurde, inhumain. "Why do they always send the poor", comme qui dirait...

Magistral.