Donner son avis sur ce "Live At Brixton '87" en 2024 est un exercice particulier. La première pensée qui me vient à l'esprit, c'est le décès des trois-quarts du line-up de cette époque : Lemmy Kilmister (et non Kilminster, comme on a pu le voir écrit sur certains disques non officiels), Philthy "Animal" Taylor et Würzel sont décédés. Seul Phil Campbell est encore en vie !

Lemmy indiquera bien qu'il garde d'excellents souvenirs de cette époque, avec le retour de Philthy et sa bonne humeur communicative. Là où Pete Gill était un batteur plus sérieux et moins enclin à la fête, à la défonce et à la picole non stop ! "Live At Brixton '87" marque donc le retour de Philthy à la batterie... au grand dam de Pete Gill, qui ne comprendra pas cette régression. Car régression il y a pour MOTÖRHEAD : il suffit de réécouter les Lives d'époque avec Pete Gill à la batterie comme comme l'excellent Live "The Birthday Party" de 1985, Live sur lequel le groupe pétait le feu comme jamais ! De vous à moi, je considère "The Birthday Party" comme l'égal de "No Sleep 'til Hammersmith" !

Pensez donc : après les départs de Philthy et de Brian Robertson en 1983, Lemmy, vexé, veut faire table rase de la période "Another Perfect Day" en recrutant deux guitaristes inconnus et moins talentueux que Brian Robertson, mais correspondant nettement plus à la "MOTÖRHEAD way of life". Bonne pioche : Würzel restera dans MOTÖRHEAD pendant onze ans, et Phil Campbell pendant trente-et-un ans... ! Bien la preuve qu'ils avaient le style MOTÖRHEAD dans la peau, là où Brian Robertson tenait à garder son propre style et à être reconnu comme "le guitariste de THIN LIZZY". C'est ce qui a rendu "Another Perfect Day" si unique dans la discographie de MOTÖRHEAD.

Finalement, Pete Gill était le seul batteur de MOTÖRHEAD à pouvoir faire la jonction entre le MOTÖRHEAD plus moderne et heavy, sur "Killed By Death", "Deaf Forever", "Orgasmatron", tout en revenant à un certain classicisme propre aux années Fast Eddie Clarke, selon la volonté de Lemmy, avec les recrutements de Würzel et Phil Campbell. Pete Gill impressionnait à la double pédale à fond la caisse (claire), sur des titres speed comme "Locomotive" ou "Claw". Mais Pete Gill, à l'inverse d'un Mikkey Dee, n'a pas un jeu 100% Heavy Metal et technique. Ses années avec SAXON sont là pour rappeler que le Rock N'Roll, il connait !

Avec le retour de Philthy à la batterie, toutes ces avancées techniques obtenues avec Pete Gill disparaissent... et cela s'entend vraiment sur ce "Live At Brixton '87" !
Pete Gill reprochait à Lemmy d'être un peu branleur sur les bords, de ne pas bosser assez son instrument... et on ne peut que lui donner raison à l'écoute de "Live At Brixton '87". Le retour de Philthy annonce clairement la couleur sur ce Live : c'est Rock N'Roll et on en a rien à foutre. Durant ses années éloigné de MOTÖRHEAD, Philthy n'a pas beaucoup bossé à la batterie et ça s'entend ici, Philthy fait le strict minimum : des rythmes très binaires et basiques, poum tchac poum poum tchac, sans forcément retrouver le swing qui était le sien sur l'album légendaire "Overkill" par exemple. Comme Philthy ne s'est pas foulé sur ce Live, du coup, cela déteint sur ses camarades de jeu ; Lemmy assure le service minimum à la basse, de même que Würzel et Phil Campbell se contentent bien souvent de solos "en slide", à l'arrache. Mais que tout cela sonne diablement bâtard, bruyant et... Rock N'Roll ! C'est l'essentiel !

Le son de caisse claire de Philthy sur ce Live est... particulier, c'est un des points faibles de ce Live. "Live At Brixton '87" a bien des allures de bootleg officiel, là où le Live officiel "No Sleep At All", enregistré lui aussi sur la tournée "Rock N'Roll" bénéficiera d'un meilleur son, et d'un Philthy plus appliqué, puisque en 1988, Philthy a un peu plus repris la main en concert qu'en 1987, où il venait tout juste de revenir dans le groupe, sans forcément avoir beaucoup joué avant.
Ce qui rend "Live At Brixton '87" intéressant est la présence de plusieurs titres absents sur "No Sleep At All" comme les deux classiques de l'album "Overkill" : "Stay Clean" et "Metropolis", présents ici et absents sur "No Sleep At All". Plus intéressant encore est la présence de deux titres de l'album "Rock N'Roll" : "Stone Deaf In The USA", que l'on peut voir comme une version accélérée de "No Class", et "Rock N'Roll" ! Et ça, c'est bien ! Nombreux sont les titres ici qu'on ne reverra pas de sitôt sur les prochains Lives du groupe, ce qui rend cette mouture de MOTÖRHEAD assez inédite.

Pour les titres de "Rock N'Roll", présents également sur "No Sleep At All"... les versions de "No Sleep At All" sont supérieures. Ici, "Eat The Rich" a le même défaut que la version studio, et est assez pataud, là où la version "No Sleep At All" est bien meilleure, rehaussée par des solos de guitare diablement Rock N'Roll, qui renforcent grandement l'intérêt de "Eat The Rich" ! Même chose pour les titres de l'album "Orgasmatron" : les versions de "Dr. Rock", "Deaf Forever" et "Built For Speed" sont meilleures sur "No Sleep At All". À noter que "Live At Brixton '87" comporte seulement deux titres speed : "Ace Of Spades" et "Rock N'Roll". Pas de "Overkill" ou de "Bomber" (tant mieux !), déjà surreprésenté dans les Lives de MOTÖRHEAD ! Tout le reste de ce Live n'est que du mid-tempo, sans oublier l'imposant "Just 'cos You Got The Power", surement un des morceaux les plus lents de MOTÖRHEAD (hors ballades !). Même reproche qu'à "No Sleep At All" : MOTÖRHEAD n'a pas interprété les meilleurs titres de l'album "Rock N'Roll" sur cette tournée. À titre personnel, j'aurais préféré des versions live de brûlots comme "The Wolf", "Blackheart", "All For You" et "Boogeyman", plutôt que "Dogs" et "Traitor". Mais, comme indiqué plus haut, on peut se consoler avec la présence de "Stone Deaf In The USA" et "Rock N'Roll".

"Live At Brixton '87", c'est aussi le début d'une époque où, entre 1985 et 1995, il y aura une quantité impressionnante de best-of (et de Lives plus ou moins officiels) de MOTÖRHEAD sur le marché. Ça n'arrêtait pas ! Chez les disquaires, des best of de MOTÖRHEAD, on en trouvait partout dans les bacs d'occasion, comme "Welcome to the Bear Trap" sorti en 1990, pour ne citer que lui. Comme MOTÖRHEAD prendra la sale habitude de changer de maison de disque quasiment à chaque album à partir de "Orgasmatron", les droits d'édition de MOTÖRHEAD étaient perdus dans la nature, c'était un sacré bordel ! Mais depuis que MOTÖRHEAD a signé sur SPV pour l'album "Sacrifice", Mikkey Dee avait repris les choses en main du côté du management et du business, et le nombre de sortie de best of a beaucoup diminué depuis. Mais durant la seconde moitié des années 80 et la première moitié des années 90, quel bordel ! Collectionner les best-of et Lives "pirates" de MOTÖRHEAD, c'est un sacré challenge pour les collectionneurs !